lundi 29 avril 2024
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Victor Vogt – L’engagement en héritage

Avec ses trois casquettes, maire de sa ville natale Gundershoffen, conseiller d’Alsace et président de l’Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle (OLCA), Victor Vogt avance pas à pas sur la voie de l’engagement. Passé par les conscrits, le foot, le milieu associatif, il a travaillé dans la banque après des études politiques, d’histoire et de commerce à Rennes et à Strasbourg. S’il se dit touche-à-tout, aujourd’hui il se concentre sur ses mandats et ses semaines de 60 à 80 heures. En ligne de mire, son territoire, et l’alsacien qu’il parle au quotidien.

Vous vous êtes engagé dans la politique très tôt, qu’est-ce qui vous anime ?

Victor Vogt : Je suis passionné par les idées, le combat des idées m’attire. C’est né très jeune, j’ai eu envie de faire ça depuis l’âge de 6 ans, j’allais déjà à des réunions publiques quand j’étais au collège, j’ai fait mon stage de 3e avec les députés Reiss et Schreiner à l’Assemblée nationale et au Conseil de l’Europe. J’ai découvert plus tard qu’au niveau familial on avait pas mal de gens engagés politiquement, mon père, mes cousins…

Un de vos modèles a été votre grand-père, Roger Vogt, ancien résistant, vous pensez qu’il serait fier de vous ?

VV : Ça, je n’en sais rien ! Dans le fond on l’espère toujours (rires). Mais il faut faire les choses par rapport à des valeurs, sans se poser la question du salaire de la fierté, sinon on n’est pas habité par le sens de la mission. Certes, il faut être heureux dans ce qu’on fait et profiter du moment, sans que ce soit une fin en soi. Mon grand-père était attaché à notre langue et notre région, et il a servi notre pays, j’essaie de le faire modestement au quotidien.

Vous êtes entré au conseil municipal de Gundershoffen à 19 ans, et dans la continuité, vous êtes élu maire en 2020. Vos attentes personnelles sont-elles satisfaites ?

VV : Je m’attendais à une bonne partie du travail de maire, et il me donne satisfaction. Je connaissais un peu moins d’autres aspects, mais je m’y suis adapté. Le maire est confronté à tout type de réalités, parfois des choses très étranges, comme intervenir avec les pompiers quand il y a des ouvertures de portes, on ne sait pas si la personne est en vie derrière… C’est un rôle qui nécessite beaucoup de créativité parce que toutes les semaines des choses nouvelles se passent. Je connaissais déjà les rouages administratifs français, mais les attentes de l’État sont toujours plus exigeantes sans avoir les moyens. Et comme on est le dernier maillon de la chaîne, on a aussi la demande de la société puisque les citoyens n’ont plus vraiment d’adresse où se tourner. C’est un gros travail d’écoute.

Le maire lors du ravivage de la flamme sous l’Arc de triomphe avec la batterie-fanfare d’Erberbach-Schirlenhof, le 21 octobre. / ©Dr
Mais en tant qu’enfant du pays, vous êtes bien perçu et percevez bien les choses ?

VV : On a beaucoup plus le sens de la mission quand on est du cru, on sait pourquoi on le fait au quotidien. Il ne faut jamais oublier que maire c’est une fonction qu’on occupe un temps et qu’on doit l’incarner avec la sagesse de celui qui transmet quelque chose. Et aussi parce qu’il y a eu des prédécesseurs qui l’ont incarnée… La commune est la collectivité locale la plus ancienne, son ancrage et ses responsabilités sont forts, et quand on sait d’où on vient on ne perd pas pied.

Vous êtes également conseiller d’Alsace, en binôme avec Nathalie Marajo Guthmuller depuis 2021 sur le canton de Reichshoffen, un mot sur votre engagement pour l’Alsace du Nord ?

VV : J’ai pris le parti d’essayer de me battre sur quatre grands sujets, localement ou sur toute l’Alsace : le transfrontalier, l’économie, les mobilités et le bilinguisme. Avec la CeA nous sommes très proches des communes, des associations, des écoles, des routes, et proches des collègues du terrain. Ce qui me semble important, c’est défendre un territoire et un canton, mais aussi une certaine idée de l’Alsace.

Cela coule naturellement vers l’OLCA, dont vous êtes le président depuis le 3 octobre. Quel est le chemin parcouru depuis sa création en 1994 en faveur du bilinguisme ?

VV : En développant l’OLCA, Justin Vogel a réussi à dépassionner les choses et rendre le bilinguisme attractif. L’idée, c’est de construire sur ce travail et de passer de l’attractivité au développement. Aujourd’hui on a perdu beaucoup de locuteurs, mais la perception et la fierté de pratiquer l’alsacien est plus que présente, c’est une chose acceptée par la société et politiquement. On a donc l’opportunité de travailler sur le renouvellement générationnel, c’est la priorité absolue. Dans la population active, tous corps de métiers confondus, 40% des gens parlent l’alsacien, donc potentiellement on peut les mettre au travail, dans la petite enfance ou l’éducation, pour transmettre notre langue le plus largement possible. Cet objectif fait aussi partie de ceux de la CeA, par la Loi Alsace, qui lui donne un rôle central dans le bilinguisme.

Passage de flambeau entre Christèle Willer
et Victor Vogt à l’OLCA. / ©Dr
Comment fonctionne l’OLCA et à quoi est dédié son budget ?

VV : L’OLCA a une fonction de support :création de contenus, pour la petite enfance, les territoires à accompagner, il y a un volet communication, un pour l’animation, les événements partenariaux comme le concours D’Stimme ou le Friejohr ver unseri Sproch… Le budget est de 800.000€, la CeA participe pour 400.000€ et la Région 268.000€, plus quelques autres participations. Sept personnes sont salariées, et un poste est actuellement ouvert en traduction. J’y ai moi-même donné des cours d’alsacien à 19-20 ans.

Vous souhaitez créer un office public pour la langue alsacienne et mosellane, de quoi s’agit-il ?

VV : C’est ma priorité, passer d’une structure associative à publique, dotée de moyens plus élevés. L’idée est de faire comme au Pays basque ou en Bretagne, avec les mêmes forces et capacités d’action, pour renforcer les missions qui existent et les fédérer. On ne saisit la notion d’urgence que depuis une vingtaine d’années, mais je suis résolument tourné vers le futur et la responsabilité collective qu’on a de transmettre l’alsacien et de permettre à quiconque souhaite le recevoir en héritage d’en avoir l’accès et le droit.

Où vous imaginez-vous dans 20 ans ?

VV : Très bonne question ! À 35 ans, c’est déjà un gros chantier de mener engagements et vie personnelle. J’aurai 55 ans… (réfléchit longtemps) Toujours aussi engagé qu’aujourd’hui, peu importe où la vie me mènera, tant que j’arrive à faire progresser le territoire, l’Alsace, la France ou l’Europe.


 

Ça bouge à Gundershoffen !

En trois ans de mandat, les travaux vont bon train : à Griesbach, un lotissement et une maison d’assistantes maternelles ont vu le jour ; à Eberbach, Schirlenhof et Ingelshof, l’éclairage public a été refait et la nouvelle station d’épuration mise en route ; à Gundershoffen, la Grand rue et la voie verte avec 1,5 km de piste cyclable sont en phase terminale, ainsi que le marché couvert avec un tiers-lieu, et «dans les tuyaux», un pôle d’échange multimodal. Sans compter les panneaux d’entrée d’agglomération en alsacien, la capacité d’accueil du périscolaire augmentée de 50 places, et la Fête des lumières « qui a vocation à fédérer tout le monde »… Selon le maire, « c’est une liste non exhaustive, mais on est assez dynamique, en termes de création d’emplois, de population, et je peux compter sur une bonne équipe d’adjoints et d’agents municipaux ».

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