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jeudi 28 mars 2024
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Mes fragiles de Jérôme Garcin

Jérôme Garcin signe un magnifique récit pour rendre hommage à ses envolés. Bouleversant. Éditions Gallimard.

« Dur au-dehors et tendre à l’intérieur », tel est Jérôme Garcin l’homme du dimanche soir sur France Inter, critique littéraire respecté et exigeant, dont la puissance sur le monde des lettres et des arts n’est plus à prouver. Pourtant derrière le masque de l’homme parfois sévère, se cache une plume capable dans des pages emplies d’amour, de nous prendre par la main en nous menant avec grâce au cœur d’un récit déchirant, à la rencontre de ses disparus et des vertiges du deuil qui l’accompagnent. Après son jumeau et son père il y a longtemps, Jérôme Garcin perd en 2021 sa mère—cette «mère courage»—, douloureusement rongée par l’ostéoporose et son plus jeune frère Laurent, quinquagénaire, victime du covid, porteur d’une maladie génétique rare, le syndrome de l’X fragile.

©isabelle arnould

Vaincu par ce destin qui s’acharne, écrire devient alors au travers de ces portraits merveilleux, l’unique manière de prolonger la vie de cette mère et du frère, leurs silhouettes, leurs bonheurs et tourments, leur dépendance mutuelle et leur passion commune pour la peinture. Dans cette incantation aux disparus, dans l’inventaire de ce double deuil comme on visiterait un territoire sacré, mais saccagé, l’auteur nous livre des pages sublimes et émouvantes. Il y a dans cet hommage à ses envolés cette tendresse omniprésente, cette reconnaissance d’avoir partagé cette vie en commun et cette gratitude pour ce qui fut donné, transmis, perdu, inachevé, les mots résonnant comme un profond chant d’amour aux siens.

Que faire face à la disparition de nos êtres les plus chers, comment répondre à cette question de vie et de mort qui se pose à chacun d’entre nous un jour ou l’autre, dans cette béance insoutenable provoquée par le vide ? Garcin n’a pas la prétention d’avoir une réponse ni d’asséner des vérités. Le texte est bref, sans pathos ni effet de styles, épuré pour aller à l’essentiel, l’auteur méditant dans ce partage sa vision de notre condition mortelle en artiste véritable. Dans une famille marquée par le sceau de la pudeur, celle de ne point s’épancher, Garcin a désobéi, posant les mots en signe d’éternité, la seule et unique façon de ne pas perdre la trace de ceux qui ont été.

Isabelle Arnould

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