dimanche 28 avril 2024
AccueilCHRONIQUESLes lectures d'IsaBabysitter de Joyce Carol Oates

Babysitter de Joyce Carol Oates

Comme à son habitude, Joyce Carol Oates s’empare d’un fait réel pour construire son roman. Le récit se déroule en 1977 à Detroit. Un serial killer surnommé Babysitter s’attaque à des âmes innocentes qui sont retrouvées sans vie dans l’espace public, exposées dans une mise en scène macabre. Pourtant cette histoire n’est en réalité qu’une toile de fond pour aller à la rencontre de la protagoniste principale, Hannah Jarett, une riche bourgeoise. C’est une femme prisonnière de son milieu, de la domesticité imposée, corsetée par les règles d’une société huppée et empoisonnée par les réminiscences d’un père violent. Et dans cette vie, il manque à notre héroïne un sens, qu’elle cherche éperdument. Alors lorsque la main d’un inconnu lui enserre le poignet de façon sensuelle et magnétique lors d’une soirée caritative, le cœur d’Hannah se remet à vibrer. Et peu importe qu’elle ne connaisse rien de cet homme, ni son nom, ni ses activités, elle se sent prête à franchir les frontières d’un monde la menant vers la promesse d’un désir brûlant. Suite 6183, Renaissance Grand Hotel, c’est là qu’il l’attend. Persuadée que cet homme fera d’elle la femme désirable qu’elle n’est plus depuis longtemps aux yeux de son mari, elle se lance avec frénésie dans une relation toxique, quasi destructrice, animée d’une transe dévorante.

Un récit en forme d’uppercut

L’autrice livre une œuvre sauvage au cœur de laquelle elle tresse soigneusement les fils narratifs qu’elle déploie, disséquant avec virtuosité les tremblements d’une société américaine violente et dysfonctionnelle, son obsession. Le racisme, la place figée de la femme dans la société, la violence, le fléau des armes à feu et la fracture des classes sont observés avec une acuité fine, presque suffocante. Oates tisse son récit autour de sujets intimes et sociétaux comme un réseau de lignes souterraines qui s’amplifient au fur et à mesure du texte. De cette Amérique « fascinante de détestation » qui lui donne l’occasion de disséquer l’âme humaine avec une plume aiguisée et virtuose, on salue cette maîtrise.

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