lundi 13 mai 2024
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Le mystérieux soleil de Jacques Dieterlen sur la flèche de la cathédrale.

Notre chroniqueur Ambroise Perrin nous propose pour cette rentrée une série qu'il intitule « Ce jour-là (en Alsace !) j'étais là... ». Chaque semaine une intrépide plongée littéraire dans des textes qui jalonnent l'identité de notre région. Cela commence toujours par une date précise pour raconter, avec un peu de dérision, une petite histoire. La littérature ayant le privilège de ne pas vérifier si tout est vrai, il reste l'essentiel, amuser les lecteurs de Maxi Flash. 

Le dimanche 12 septembre 1926, comme il fait beau, Jacques Dieterlen m’invite à chausser mes skis, ce sont les premières neiges sur les hauteurs de Rochesson vers Gérardmer, on passe par Sainte-Marie-aux-Mines. Je ne suis pas vraiment sportif, mais comme c’est le village de mon papa, j’accompagne mon collègue journaliste dans cette promenade. Je connais Jacques car depuis presque sept années je l’ai côtoyé dans l’ombre de la Cathédrale. Il écrivait le nez en l’air et son livre, qui vient d’être publié, est un hymne à l’amour de l’Alsace. Il a dressé sur le papier, « toute vivante, la grande créature de pierre et autour de la flèche prodigieuse passent les cigognes vers les villages, on aperçoit le houblon de la plaine et la vigne des collines, et plus loin les sapins ».

Jacques est né à Cannes, ses parents alsaciens étaient en 1870 des « optants », il a perdu le bras droit à la guerre et à l’Armistice, il est revenu à Strasbourg. Comme il aime l’Alsace ! Je lui dis que son magnifique livre est plus celui d’un poète que d’un romancier, il me répond, oui, je n’ai pas voulu d’une intrigue comme dans Notre-Dame-De-Paris, mon seul personnage, c’est ce beau corps de grès rose, multiple et changeant en son âme. Jacques Dieterlen est rédacteur en chef du journal de Schlestadt, Sélestat, et de la Revue française du ski. Sa conversation revient toujours à la flèche, symbole du mystère de l’Alsace, qui, le soleil couchant s’allume « comme un jeune visage où affluerait le désir et le sang ».

Nous faisons une pause dans la poudreuse et Dieterlen dit qu’il veut me confier un secret, il a découvert que la fille de Maître Erwin, le grand architecte de la Cathédrale, était amoureuse du soleil ! Sacrilège certainement. Et il a hésité à raconter leurs noces mystiques dans son ouvrage. Il a finalement révélé cette histoire en s’abritant derrière un sous-titre, « petite introduction à la vie strasbourgeoise », pour que l’on connaisse cette jeune fille de bonne famille alsacienne qui vouait un culte à la déesse Sol Invictus sur les hauteurs en dentelles du grès rose.

Le roman de la Cathédrale, Jacques Dieterlen, Plon, 1926.

Ambroise Perrin

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