jeudi 21 novembre 2024
AccueilCHRONIQUESAmbroise PerrinPeut-être qu’on ne sait rien du soldat nazi d’Obernai

Peut-être qu’on ne sait rien du soldat nazi d’Obernai

Un monsieur d’Obernai est mentionné dans un livre d’Histoire relatant l’opération Nordwind à Hatten en janvier 1945. La bataille fit 1500 morts côté allemand, 1000 chez les Américains, il y eut une centaine de civils tués et 350 maisons sur les 365 du village furent détruites. Les militaires sont cités en fonction de leur poste de commandement, les nazis gradés selon leur bataillon, pour les nazis locaux on mentionne leur ville d’origine. Un nazi alsacien habitant Obernai combattait en première ligne. Il fit un soir prisonnier, un jeune soldat américain de 18 ans, qu’il interrogea dans une maison devant les Châtenois. Le lendemain, on trouva le jeune prisonnier dans le caniveau, une balle dans la tête, témoignage après la guerre d’un occupant de la maison.

Les rues de Hatten étaient jonchées de morts, des morts par hasard quand il s’agissait des civils, des morts par prise de risque, par imprudence ou par bravoure, lorsqu’il s’agissait de militaires. Cela dit sur le papier, car la réalité sur le terrain était bien entendu beaucoup plus nébuleuse. Mais exécuter un prisonnier, probablement pour s’en débarrasser, ou simplement par absence d’humanité ou de respect des règles (la Convention de Genève, par exemple), cela semblait peut-être plus révoltant que d’être tué par un obus explosant au-dessus de votre tête. On sait que parmi les « soldats » allemands il y avait des gamins de 16 ou 17 ans qui n’avaient pour toute préparation militaire que leur passage chez les scouts de l’époque, les jeunesses hitlériennes. Ceux-là mourraient tout de suite, dès qu’ils arrivaient sur les lieux de combat. Les Allemands avaient une supériorité stratégique, les Américains voulaient se replier sur les hauteurs des Vosges. Puis Hitler, malgré l’avis contraire de ses généraux, ordonna à son armée de quitter l’Alsace et de se replier sur Berlin pour défendre la ville contre l’arrivée des Russes.

Le soldat d’Obernai a-t-il été tué dans la capitale allemande ? A-t-il survécu à ces derniers combats ? A-t-il tenté de fuir en se déguisant en civil ? A-t-il été fait prisonnier dans un goulag ou dans un camp américain? Aujourd’hui son nom est-il connu des universitaires spécialistes de cette période de l’Alsace, ou des historiens amateurs d’Obernai qui publient leurs recherches dans des revues ? Est-il mentionné dans les archives de la ville, les conservateurs ont-ils un dossier plus ou moins secret dans l’un des musées ? Est-il revenu à Obernai, pour peut-être poursuivre une vie paisible ?

Le « nazi originaire d’Obernai » comme le nomme le témoignage de la Bataille d’Hatten avait certainement de la famille, et peut-être maintenant des descendants. Est-il un
inconnu ? Qui chercherait à le faire sortir d’un lointain oubli, comme dans un roman de Modiano, alors que probablement à Obernai on ne veut pas se souvenir de son nom ?

Ambroise Perrin

ARTICLES SIMILAIRES
- Publicité -

LES PLUS POPULAIRES