C’est au cœur d’un huis clos familial que nous plonge ce récit. Quatre enfants, Jackelyn, Sean, Rose et Winston incarnent en apparence l’image d’une réussite flamboyante, contrôlée par Elisabeth, la matriarche impératrice. Pourtant dès les premières pages on sent que le rêve de papier glacé n’est que le paravent d’une autre réalité dissimulée sous des apparences trompeuses, chacun semblant obéir aux injonctions familiales en demeurant conforme aux rôles endossés depuis bien longtemps.
Dans le décor huppé d’une banlieue new-yorkaise, c’est le jour du traditionnel barbecue familial. Pourtant aucun des personnages n’a vraiment envie d’être là, la famille se faisant le lieu de cristallisation des secrets enfouis et des blessures secrètes, au cœur de laquelle rôdent les fantômes « d’il y a longtemps », ceux que l’on a enfermés à double tour pour les faire taire de peur qu’ils viennent mettre à mal cette réputation affichée. On sent monter au fil des chapitres la tension inhérente au silence imposé. Par d’habiles retours en arrière dans l’histoire de chacun des personnages, l’autrice éclaire les zones d’ombre de cette toile familiale et de ces fils entremêlés, prêts à rompre, nous embarquant, par son analyse percutante dans cette journée suffocante, métaphore de cette famille à la dérive.
Alors quand cette parenthèse ensoleillée et festive se transforme en cauchemar, tout se fissure, faisant basculer l’édifice et dériver la famille, le drame venant mettre à jour les non-dits, les rancœurs et les vulnérabilités de chacun. On se demande alors quand les digues rompent et que tout vole en éclat, s’il ne reste que les drames comme seule issue possible pour enfin déposer les masques trop lourds à porter. Ce texte est une plongée exquise au cœur des errances de cette famille au bord de l’implosion, une lecture haletante, faisant tomber les masques et surgir les secrets. C’est passionnant !