Elle était en roue libre ma voisine l’autre jour dans l’escalier, elle m’a dit des trucs de ouf, qu’elle avait vu Soleil Vert le film de 1972 qui raconte qu’en 2022, les hommes vivent dans un monde hostile, ils ont épuisé les ressources naturelles de la Terre. Il y a cette scène où le vieux Edward G. Robinson dit en découvrant un morceau de steak : « Comment en est-on arrivé là ? » On y est presque, m’a dit ma voisine, encore un effort et on va la détruire notre planète. C’est con, non ? Le monde n’a plus grand-chose à voir avec celui d’il y a 50 ans. Mais on savait déjà que l’on n’avait pas de plan B. Pas de planète B. Finalement, rien n’a vraiment changé, c’est toujours les plus forts contre les plus faibles, les riches contre les pauvres, tout va bien m’sieurs dames, a ajouté ma voisine. Il y a cinquante ans, on ne parlait pas de déserts médicaux, l’essence coulait à flots et les anciens disaient si un jour le super est à dix francs je quitte le pays, on faisait des appels de phare pour signaler les radars à ceux qui arrivaient en face, ceux qui faisaient du yoga étaient des gens chelous (plus tard, on a commencé à parler verlan), les réseaux n’étaient pas sociaux, personne ne savait ce que l’on avait mangé à midi, les hommes politiques passaient plus de temps à travailler qu’à passer à la télé ou à faire leur promo sur Facebook et Insta, Netflix n’était même pas une idée. Ma voisine n’est pas nostalgique, ce n’était pas forcément mieux avant, elle vit avec son temps, avec les difficultés de l’époque, avec ses rêves de lendemains plus chantants. Comme disait Hypo dans Un monde sans pitié, le film culte d’Éric Rochant en 1989, « on n’a que dalle, on n’a plus qu’à tomber amoureux comme des cons, et ça c’est pire que tout ». Moi, cette idée-là, je la trouve rayonnante ! Avant de nous demander comment on en est arrivé là, laissons entrer le soleil en nous, mais faisons gaffe à la planète. Il reste un morceau de steak ?