Nourzan, c’est le prénom de notre aventurière, ce qui en malgache signifie la lumière est là ! Mada, ou Madagascar, est la quatrième plus grande île de notre planète bleue, à peine à
9 000 kilomètres à vol d’oiseau de notre Alsace jusqu’à la capitale de Tana (Tananarive), environ 12 heures d’avion. Une île, carte postale, avec 5 000 km de plages blanches bordées de palmiers, des paysages les plus étonnants avec cette avenue des Baobabs centenaires. Le Baobab, l’arbre de vie plus large que haut, coiffé d’un bouquet de feuilles qui ressemble à des racines. C’est l’un des arbres emblématiques de Mada, ce qui lui vaut habituellement la protection et la vénération des Malgaches. Mais en retournant cette carte postale paradisiaque se cache une immense pauvreté.
La grande famille de Nourzan
Les parents de Nourzan habitaient à Tsiaana, un quartier très pauvre dans la périphérie de Tananarive. Ils avaient construit une case de briques rouges en terre cuite, chapeautée d’un toit en tôle ondulée : deux pièces cuisine où vivait toute sa grande famille, papa, maman et douze frères et sœurs. Les enfants dormaient tous ensemble sur des lits superposés à trois étages. Nourzan était l’aînée de la fratrie, son père Ali travaillait comme homme à tout faire, sa mère, Amina, faisait le linge de maison et cuisinait chez des gens assez aisés. Quand ses parents travaillaient, c’est Nourzan qui prenait le relais, elle s’occupait de ses frères et sœurs, faisait le petit déjeuner et emmenait tout ce petit monde à l’école. Une petite mère qui veillait sur la famille !
Un beau jour, elle reçoit une lettre de Strasbourg avec un billet d’avion, de la part d’un homme qu’elle ne connaît absolument pas, elle découvre qu’elle a un autre papa, Adam son père naturel. Elle quitte son île pour aller vivre avec lui et sa tante cuisinière de métier à la Krutenau à Strasbourg. Pendant le voyage en avion vers l’inconnu, Nourzan, le cœur gros, à peine 11 ans, pleure à chaudes larmes. L’hôtesse de l’air la console comme elle peut, elle est tristoune, elle sait que sa vie va complètement changer. Elle vit dorénavant à Schiltigheim avec son nouveau papa, bien accueillie par la nouvelle famille, elle s’habitue à cette nouvelle vie, elle se fait très vite des amies à l’école, se lance dans des études supérieures. Son BTS d’assistante de direction en poche, elle obtient un poste chez un opérateur téléphonique. Nourzan dirige le service de recouvrement des impayés, les personnes en difficulté financière qui ne payent pas leurs factures, mais à la longue, c’est insupportable pour elle. Elle quitte son emploi, et va au bout de ses rêves : cuisiner pour les autres, comme sa tendre maman Amina à Madagascar.
Une cuisine itinérante
Nourzan crée son autoentreprise, cuisine dans le foodtruck, un camion restaurant qui sillonne les villages alsaciens, et propose des plats savoureux de l’océan Indien. Son logo, c’est un lémurien, le nom de son resto sur quatre roues est tout trouvé ! cCest la combinaison des trois syllabes de ses trois enfants Keyziah, Shyraz et Alyssia = Keyshia Délices de l’océan Indien. Joliment trouvé, peut-être un peu difficile à prononcer.
J’ai rendez-vous avec la chef cuisinière à Oberhausbergen, sur la place de la Mairie. J’aperçois au loin son foodtruck auvent grand ouvert, un Citroën rutilant tout de noir vêtu, avec des inscriptions en gros caractères roses. En m’approchant, je sens les bonnes odeurs des beignets, du poulet curry coco, Nourzan foulard multicolore sur la tête, m’accueille avec un large sourire.
-Güte Morje Nourzan, très heureux de te rencontrer !
-Salama, André, c’est le bonjour en Malgache !
-Ton foodtruck, quelle belle histoire !
-André, ce n’était pas facile, un vrai parcours du combattant, je n’avais aucune expérience dans le métier de la bouche, aucun diplôme pour obtenir un prêt bancaire, j’ai vraiment galéré. En 2022, je suis retourné sur les bancs de l’école faire un C.A.P de cuisine et plusieurs stages au Moulin de la Wantzenau chez Philippe Claus, un chef extraordinaire.
-Nourzan, tu as beaucoup d’escales culinaires ?
-Je parcours de nombreux kilomètres à travers l’Alsace, pour des évènements dans les grandes entreprises, des mariages, des baptêmes, des anniversaires.
-C’est toi qui conduis ton camion restaurant ?
-Oui, c’est très drôle, j’ai mis quatre coussins sur mon siège conducteur pour conduire mon Citroën. Souvent, quand je sors en claquant la porte, les clients pouffent de rire, un petit bout de femme conduit une si grande camionnette ! Les Malgaches sont souvent de petite taille, mais avec une volonté de fer, rien ne peut les arrêter.
-Tes clients viennent savourer quel plat malgache ?
-Oh, tu sais c’est très varié selon la saison, mes produits sont tous frais et locaux. Ce qui fait sensation, c’est le poulet curry, les samoussas version malgache, les bouchons poulets, les accras. J’aime partager les valeurs malgaches, les saveurs, les faire véhiculer en Alsace où je rencontre de très belles personnes.
-Ta cuisine est à l’image de ton île, un métissage de saveurs, avec toujours une base de riz, de sauce rougail, curcuma, de gingembre, de cardamome qui favorise la digestion ?
-Notre cuisine est saine et fait du bien à l’âme. Beaucoup de gens craignent d’utiliser les épices, car ils ne les connaissent pas.
-Tu as posé tes marmites à Hœrdt dans un nouveau labo, pour de la vente à emporter ?
-Depuis le début de cette année, un samedi par mois, je partage mon savoir-faire familial au travers d’ateliers culinaires, pour adultes et enfants. Je cuisine mes plats derrière le piano de mon nouveau labo pour alimenter mon foodtruck itinérant, et le soir sur commande, des plats à emporter.
Avant de reprendre la route vers une autre destination, j’ai goûté plusieurs petits plats malgaches, aux saveurs uniques qui enchantent mes papilles gustatives, juste !! INOU… BLI…. ABLE. Un grand merci à toi, chère Nourzan, la lumière est là ! Ne l’éteins jamais ! En alsacien, on dit Bis Bald et en malgache, Mandra Pihaona.
À très vite, les Liewi Maxi-Läser, pour d’autres aventures en couleurs dans un autre petit recoin de notre paradis alsacien.
Le Maxi Trotteur André Muller