samedi 23 novembre 2024
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Ce jour-là j’étais là – Au revoir en musique, avec Musica !

Le 10 février 1983, c’est la Première du Festival Musica à Strasbourg, ainsi que dans toute la région, avec des concerts à Wissembourg, Colmar et Mulhouse… À FR3 Alsace nous mesurons l’importance « mondiale » de ce nouveau festival puisque nous lui consacrons, c’est très rare, un tiers du Journal télévisé, 6 minutes et 21 secondes, avec un reportage où j’interviewe Laurent Bayle, le directeur. C’est une aventure que j’ai eu la chance de suivre de près, lancée par le ministre de la Culture Jack Lang et son directeur de la musique, Maurice Fleuret, qui était aussi critique au Nouvel Observateur, magazine dont je fus le correspondant en Alsace. Quand on est passionné, le monde est petit.
La musique contemporaine c’est aller au-delà des soirées sacralisées classiques, et le succès du festival s’expliquera par son audace : réunir des spectateurs pour des concerts au Port du Rhin, dans des gares, des garages, les Bains municipaux, un train pour les Vosges, un bateau vers la Lorelei où 90 exécutants sont mélangés aux passagers. Les étudiants et amateurs se mêlent aux musiciens professionnels, parfois c’est grandiose, vingt-cinq harmonies de petites villes alsaciennes jouent sur quatre podiums du Berio : « Mille musiciens pour la paix ».

Laurent Bayle a choisi le nom Musica parce que cela faisait latin et américain et il célèbre des valeurs sûres pour démarrer, Schoenberg, Varèse, Stockhausen, Boulez. Et il lui faut une équipe locale complice pour vaincre d’innombrables incrédulités. Son enthousiasme sera partagé ! Des noms qui suscitent aujourd’hui une belle nostalgie auprès des Alsaciens : le musicologue Laurent Spielmann, Jean-Pierre Vincent du TNS, Jérôme Clément d’Arte, Charlotte Latigrat directrice de la radio à FR3, André Rodeghiero, Antoine Wicker, Roland Recht et Alain Willaume pour les contacts avec le public. Roger Siffer prête la Choucrouterie et Tomi Ungerer fait des affiches. Le journal Libération propose une page quotidienne. La SNCF, Air Inter et la Fnac jouent aux partenaires, les spectateurs viennent également de Suisse et d’Allemagne. Le budget passe de 2,5 à 5 millions de francs.

Le succès des premières éditions incite Jack Lang à se présenter aux municipales à Strasbourg (ce sera Blois) et à jumeler la capitale alsacienne avec le Festival de Rome (ce sera un fiasco). Musica est devenu l’une des plus importantes institutions internationales de musique contemporaine. Et si j’ai choisi le livre de Laurent Bayle pour cette chronique, c’est pour conclure en musique ma série « Ce jour-là j’étais là » ; à la rentrée, merci Maxi Flash, je vous proposerai une autre chronique intitulée « Quartiers lointains », avec des mots qui créent des images et des photos qui racontent des histoires… bien sûr alsaciennes !

Une vie musicale, Laurent bail, 2022, éditions Odile Jacob

Ambroise Perrin

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