lundi 3 novembre 2025
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Pascal Elbé – Sa bonne étoile

Le Colmarien a passé sa jeunesse à Strasbourg, avant de faire une carrière d’acteur, de réalisateur et de scénariste à Paris. Le 12 novembre sortira en salle La bonne étoile, son 4e long métrage, après notamment On est fait pour s’entendre en 2021. Il nous parle de ce film drôle et émouvant, de son désir de travailler avec Benoit Poelvoorde et de l’Alsace qu’il n’oublie jamais.

C’est une conversation dans un café où l’on évoquait une famille avec tous les poncifs et les stéréotypes sur les juifs qui vous a donné envie d’écrire ce film ?

Pascal Elbé : Oui. Si les préjugés perdurent, cela signifie que l’on n’a pas appris grand-chose de l’histoire.

Vous dites que les idées de Chevalin, incarné par Benoit Poelvoorde, sont plus de la bêtise que de la malveillance, qu’il est plus ignorant qu’antisémite. C’est le contraire dans la société d’aujourd’hui, non ?

Oui, totalement. Mais je ne veux pas que mon film soit « nécessaire », plutôt attractif. Partout où nous sommes passés pour le présenter, les gens ont très bien compris de quoi il en retourne. Tous. C’était même ma première surprise. C’est un sujet grave, mais c’est un divertissement, comme la tragicomédie italienne. Au départ, j’étais un peu tout seul sur le pont, on m’a dit « t’es fou, tu ne peux pas raconter ça ». C’est compliqué de raconter une histoire comme celle-là. Et puis il y a eu le 7 octobre, c’est devenu urgent de faire ce film.

Qu’est-ce que le 7 octobre a changé dans ce projet ?

Ce qui m’interroge, c’est que c’est un film que j’aurais pu écrire il y a 10 ans ou dans 10 ans. S’il résonne avec l’actualité, c’est avec celle de notre histoire, en France. L’antisémitisme a explosé. En fait, cet antisémitisme n’a jamais vraiment disparu, c’est ça la question. Il ne disparaît pas parce qu’on l’alimente, les stéréotypes et les clichés sont toujours présents. Il y a encore des gens qui pensent que nous sommes une caste privilégiée, favorisée, c’est complètement fou.

Vous prenez le contre-pied de tout cela, avec des phrases comme : « Il n’est pas juif depuis deux minutes que tu le persécutes déjà » ou « J’ai appris récemment que j’étais juif. Pas de bol »…

Oui. Je tourne les préjugés en ridicule. Comme dans ce cinéma italien que j’ai adoré, celui de Dino Risi par exemple, la satire sociale. Pour se faire entendre, je pense qu’il faut porter un nez rouge. L’auteur ne doit pas mettre ses mots dans la bouche de ses personnages, sinon on est dans le « message », dans le propos appuyé. J’ai fait très attention à cela. C’est un pas de deux avec le public. Il faut toujours faire entrer les clowns, et s’amuser, même si le fond de l’air est très frais.

Il y a même un cochon qui va jouer un rôle important !

Oui. C’est une fable avec des références à mon enfance, à des films comme La traversée de Paris, où La Grande Vadrouille qui nous ont accompagnés. Je tords un peu la réalité et la chronologie historique. Le cochon est un élément qui participe à la fable.

Vous parliez de La Grande Vadrouille, j’ai vu un hommage à Bourvil et de Funès, il y a aussi des références à La vie est belle de Benigni ou à Inconnu à cette adresse que vous avez joué au théâtre, non ?

Oui. La bonne étoile est fait de plein de petits clins d’oeil. Et c’est vrai qu’il y a du Bourvil dans Benoit Poelvoorde ; il a cette singularité, cette humanité, qui fait que le spectateur éprouve une sympathie pour lui, il ne va jamais le rejeter. Cela permet de pousser le curseur très loin.

Vous aviez très envie de le rencontrer et de travailler avec lui ?

Les plus belles rencontres dans notre métier se font à travers le travail. Lorsque Benoit m’a dit qu’il rêvait de jouer un lâche pendant la guerre, je lui ai répondu qu’il allait être servi. Il a été très impliqué, et très conscient de l’enjeu du film. Cela nécessite une grande sincérité. Il ne fallait pas juger les personnages et jouer sur le premier degré.

Alors, le lâche interprété par Poelvoorde devient un mensch. C’est quoi un mensch pour vous ?

Pascal Elbé rêvait de rencontrer, de jouer et de faire jouer Benoît Poelvoorde. ©-2025-YANN-ZENOU-ENTERTAINMENT

C’est quelqu’un qui fait face à ses responsabilités, qui ne se dérobe pas. Que ce soit dans sa famille, ou dans son travail. C’est quelqu’un qui fait face, malgré la vérité.

Il paraît que vous êtes très détendu sur votre plateau de tournage.

On a tourné en 7 semaines, ce qui est très court. Mais je pense comme Godard qu’un film est un braquage, il faut préparer son coup, et après il n’y a plus qu’à glisser. J’aime tourner vite, j’aime bien l’état d’urgence, mais je déteste le danger de la pression. Il faut que tout soit préparé en amont pour s’amuser et ne pas faire porter ses angoisses par les autres.

Quelle est votre place dans le cinéma français ?

Dans le coeur du public, j’occupe une place, quelque part… Mais je me pose toujours la question de ma légitimité. C’est pour ça que j’ai écrit, pour aller vers l’autre, pour exister. L’écriture a été mon sésame. Je suis toujours un provincial qui est arrivé à Paris. Toute ma vie… Le jeu m’a permis de m’affirmer, d’accord, mais je me poserais toujours la question de la légitimité. J’ai dit souvent que je n’aime pas beaucoup les personnes péremptoires. J’aime les gens qui doutent. Et c’est ce doute qui me fait écrire. C’est très dur de trouver sa place dans le regard de l’autre.

Vous êtes un acteur, un scénariste et un réalisateur reconnu, il est beau votre parcours.

C’est bizarre parce que dans ma tête c’est juste du travail. J’ai un rapport très simple aux choses, fondamentalement je travaille comme un artisan. Et puis, à mon âge, on a envie de passer ses vacances avec ses plus vieux amis, sa famille.

Que reste-t-il en vous d’alsacien ?

On vient toujours de son quartier. Il me reste ces images des dimanches blancs de Strasbourg. L’Alsace, c’est mon enfance, ça me raconte les anciennes solitudes, les anciennes inquiétudes, mais aussi mon rêve de partir. Lorsque je viens ici, toutes ces émotions m’accompagnent, celles de mon premier spectacle au TNS, Le Tartuffe avec Depardieu aussi, c’était la première fois que j’allais au Théâtre. J’adore revenir, voir les copains, manger alsacien. J’ai adoré le public chaleureux de Colmar lors de l’avant-première de La bonne étoile.

Ce film, que vous a-t-il appris sur vous-même ?

Il m’a réconforté. Parfois, je suis triste et en colère. Parce que je trouve vertigineux ce à quoi nous assistons, la pensée unique, cette injonction permanente à être pour ou contre ; quand on n’est pas du même avis que l’autre il devient un ennemi, je trouve ça fou. Cela m’a fait beaucoup de bien de présenter mon film à travers la France, je me suis senti tellement moins seul. Je le dis parfois aux gens, ne m’emmenez pas sur un autre sujet que sur notre histoire à nous ailleurs qu’en France.

Vous avez un voisin qui a peur d’aller à l’école, qui a peur parce que son fils va à l’école, parce qu’il est juif. Ça, c’est la réalité. Et le silence tue. Alors, parfois un geste, un mot, c’est un soutien important. Moi je suis un enfant de la République, j’ai toujours pensé que j’étais Français avant d’être juif, et maintenant on me dit que je suis un juif de France, c’est révoltant. Ce film m’a apaisé. Les copains qui l’ont vu m’ont dit que ça fait du bien. Si tu fais un peu de bien aux autres, ça t’en fait aussi un peu à toi.


La bonne étoile

La bonne étoile, sortie nationale le 12 novembre. / ©DR

France, 1940. Jean Chevalin et sa famille vivent dans la misère après que ce dernier ait jugé bon de … déserter ! La situation n’est plus tenable. Convaincu que « certains » s’en sortent mieux, Chevalin a une brillante idée : se faire passer pour juif afin de bénéficier de l’aide des passeurs pour accéder à la zone libre. Avec Benoît Poelvoorde, Audrey Lamy, Zabou Breitman et Pascal Elbé. Le 12 novembre au cinéma.

Pour la petite histoire

©COMPTE INSTAGRAM DE LOÏC GUINGAND

Le réalisateur a tourné dans les Vosges, il souhaitait travailler avec des comédiens originaires du Grand Est comme Jean-Pierre Schlagg (récemment aperçu dans Partir un jour) ou Loïc Guingand. Pendant cet entretien, il nous a dit : « Je l’adore. Je l’ai vu faire des essais pour un petit rôle, et je me suis dit que ce type savait tout jouer. Il a un talent de ouf. Il est formidable. J’avais très envie de lui confier autre chose. Et puis, ce qui ne gâche rien, nous étions totalement en phase dans notre façon de penser l’époque ». Loïc Guingand incarne Jobert de la Gestapo française, un rôle sombre et intense, il est même sur l’affiche (en bas à droite).

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