jeudi 21 novembre 2024
AccueilCHRONIQUESLes lectures d'IsaCette vieille chanson qui brûle de Alexandre Lenot

Cette vieille chanson qui brûle de Alexandre Lenot

Il est des textes qui dès les premières lignes percutent, éblouissent et galvanisent. C’est le cas de ce récit sur lequel il faudrait se précipiter tant la langue nous pénètre, nous enivre, presque nous envoûte. C’est suffisamment rare pour être triplement souligné. Au commencement étaient deux frères jumeaux vivant dans la Demeure en pleine forêt, avalés par l’absence d‘une mère et le despotisme d’un père, soustraits au monde jusqu’à l’âge de dix ans. Deux frères ayant la forêt comme témoin de leur enfance, comme terrain d’apprentissage, unique legs transmis par le père. Et pour cette forêt, pour la sauvegarde d’une nature vampirisée par des promoteurs, Jérémie va se sacrifier, laissant Noé à ses peurs, à sa colère, à ce silence à tout jamais. Noé et cette route qui le ramène à son père, funambule sur le fil de ses souvenirs.

Le lien fraternel, celui qui construit autant qu’il enferme, voilà ce que l’auteur ausculte dans ce récit qu’on ne lâche pas, ce texte comme l’imploration, l’incantation d’un fils, d’un frère, ressassant l’enfance perdue, les colères et les souvenirs qui hantent. Dans ce retour au lieu d’origine à la Demeure, vers le père, avec le souvenir de ce frère qui n’est plus, le lecteur est aussi rendu à faire le chemin, à marcher aux côtés de Noé. On entend alors ce qui se tisse, ce qui n’a jamais pu être formulé, ce qui peine à s’exprimer dans une sorte de moment hors temps, d’une réelle intensité.

Le texte coule, il est dans sa forme narrative cette revanche à prendre sur des années de silence. Rien ne l’arrête. Alors dans un souffle ininterrompu, dans ce chemin reparcouru, il se révèle dans le chaos d’une nature meurtrie, des chagrins qui pourraient enfin se dire, permettant de faire rejaillir la vie autrement, en donnant à cette vieille chanson qui brûle une autre tonalité.

ARTICLES SIMILAIRES
- Publicité -

LES PLUS POPULAIRES