mardi 3 décembre 2024
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Stéphane Dangel dompte l’écriture sauvage

Parce qu’il aime se lancer des défis, Stéphane Dangel a sorti son premier polar, Crime en Alsace, aux éditions Le geste noir, en mars. Déjà auteur de quatre parutions aussi diverses qu’un livre de cuisine et un roman jeunesse, le journaliste de formation aime raconter des histoires. C’est pour cette raison qu’il s’est intéressé au storytelling dont il fait son métier actuel, basé à Fegersheim depuis quelques années. Né à Mulhouse en 1970, son côté « sauvage » le pousse à trouver sans cesse de nouveaux territoires de jeu.

Comment l’écriture est-elle arrivée dans votre vie ?

Après Sciences Po, j’ai fait l’école de journalisme à Strasbourg. J’aimais écrire depuis toujours, mais plutôt des choses utilitaires, scolaires. Finalement je n’ai pas vraiment fait de journalisme, mais très vite de la communication en entreprise ou dans le domaine institutionnel, et j’y suis un peu revenu en tant que rédacteur-en-chef du magazine du Conseil général du Bas-Rhin de 2001 à 2020.

Votre métier principal, c’est le storytelling, de quoi s’agit-il ?

Le storytelling consiste à transcrire des messages qui pourraient l’être sous forme classique, factuelle, argumentée, en histoires pour toucher les gens différemment. Dans le premier cas, on est dans l’abstrait, alors que dans le deuxième, l’aspect narratif permet d’être concret, plus vivant, plus illustré. Je découvre le mot dans la salle d’attente de mon médecin généraliste, cette discipline existe depuis les années 90 dans les pays anglo-saxons et permet d’être moins solennel, moins institutionnel dans les prises de parole. Je me dis qu’en fait cette pratique correspond à ma façon d’écrire, y compris des articles, en racontant des histoires, et fait écho au fait que j’avais commencé à écrire des livres de fiction… J’ai donc acquis des compétences et proposé mes services à des entreprises que je n’imaginais pas, par exemple, la candidature de la RATP pour la seconde tranche du tramway de Casablanca ou dans les domaines bancaires, agroalimentaires, les médias, la grande distribution…

Crime en Alsace (Éditions Le geste noir). / ©Dr
Votre première parution date de 2004, un livre sur les croix en Alsace, suivi d’une fiction en 2005, Grand-papy malgré lui. Cela vous lance dans le travail d’auteur ?

Oui et on y prend goût, en rencontrant d’autres écrivains et des lecteurs sur les salons du livre. On se dit que le livre en question ne nous appartient plus, il est au public qui a envie d’en tirer de la connaissance, de l’amusement ou du plaisir. Et c’est pour ça aussi qu’entre le dernier de fiction que j’ai écrit en 2009 (Rire post-mortem, une anthologie) et celui-ci, il s’est passé un temps, parce que je n’avais plus vraiment de choses à dire… J’ai attendu et c’est revenu.

Vous avez écrit cinq livres grand public dont Mangez sauvage, un livre de recettes. Le mot sauvage revient aussi dans votre description sur votre site internet… Quel est le lien ?

Cela fait un peu partie de moi-même. Quand j’étais adolescent, je jouais au foot, et j’avais une façon un peu sauvage de jouer, j’étais arrière et je faisais beaucoup de fautes, mais c’était plus par maladresse technique. Un peu plus tard, j’ai rejoint une troupe de danse polynésienne, nous dansions le Haka des Néo-Zélandais, c’est aussi une danse sauvage ! En 2009, avec le groupe de danse Ratere ni Tahiti, nous l’avons dansé pendant trois heures au Corso fleuri de Sélestat ! C’est quelque chose qui me suit, mais ça ne se voit pas comme ça.

En tout cas, les sujets sont très éclectiques, de la cuisine à la fiction en passant par l’histoire !

J’aime bien être là où on ne m’attend pas, je n’aime pas faire ce qui a déjà été fait. Ce polar est différent de l’intrigue ou du thriller, il est plus humoristique. Une lectrice trouve que c’est entre le manga et la stand-up comédie, il y a du vrai !

Son livre sur l’histoire des croix paru en 2004. / ©Dr
Crime en Alsace est sous-titré Le carreau était fermé de l’intérieur. On y trouve beaucoup de clins d’œil, font-ils partie de votre style tout comme les jeux de mots ?

Le titre fait référence à un film pas très connu avec Coluche et Jean Rochefort, Les vécés étaient fermés de l’intérieur. C’est plutôt un navet ou un nanar… C’est aussi une manière que j’ai de me comporter dans la vie, je fais des blagues assez régulièrement. On ne sait pas si ça fait vraiment rire ou pas, mais sur le moment il faut que ça sorte ! (rires)

Les noms des personnages sont assez évocateurs… On peut citer que quelqu’un veut la peau de Roger Rabitz, il y a Sue Permann ou Mme Brise, Denise, qui d’autre ?

Quasiment tous les noms rappellent des personnages de films et en ont l’attribut. Même si on ne les reconnaît pas, on arrive à suivre l’histoire, c’est juste un petit bonus! Par exemple, Erica Lahanne, c’est l’inspecteur Harry Callahan. J’ai fait référence aussi à des scènes de films qui m’ont intéressé ou amusé souvent, les personnages ont l’impression de les avoir déjà vécues…

Pour la forme, on est souvent dans la tête du commissaire, mais cela fait avancer l’enquête…

D’une part, il y a cet aspect de polar, et une autre facette, c’est que je parle de la façon dont je perçois le fonctionnement des gens. J’observe beaucoup les comportements dans la rue, je note dans ma tête, comme ces gens qui appliquent leur croyance qui devient la vérité pour tout le monde. C’est le mode de fonctionnement de cet enquêteur. Ce n’est pas un véritable héros, il n’a rien de très enviable, il est assez imbu de lui-même, il fait beaucoup de biais d’attribution… C’est un peu un archétype des comportements de nos jours, qui évite de se concentrer sur les vraies priorités en se focalisant sur des détails parce que c’est plus simple à gérer.

Vous avez prévu une suite, en Franche-Comté, mais cette histoire-là se passe dans les mines du carreau Rodolphe que vous avez appelées Adolphe, vous connaissez le lieu ?

Je suis originaire de Thann, non loin de Pulversheim, et quand on allait à Mulhouse chez mes grands-parents, on passait par là. J’ai côtoyé ce paysage toute mon enfance. J’ai eu l’idée effectivement en entendant parler de cette salle des pendus, où il n’y avait jamais eu de vrai pendu, c’est l’idée de démarrage.

Le carreau Rodolphe avec sa salle des pendus dont l’auteur s’est inspiré. / ©Llez
Finalement, que vous apporte l’écriture ?

À la base, c’est toujours un défi, parce que je ne sais pas si ça va donner quelque chose de suffisamment pertinent pour être proposé à un éditeur. Comme pour le polar, en étais-je capable ? Cela ne sert à rien de faire quelque chose si on n’a rien à dire et qu’on parle pour soi-même. Ensuite, je prends plaisir à écrire, parce que c’est un projet qui part de moi. Là avec un polar humoristique je rigole en écrivant, je me dis, oh non quand même je ne vais pas écrire ça. Eh bien si ! (rires)

Y’a-t-il d’autres défis parmi vos passions, peut-être sportifs ?

Il y a pas mal de lectures, j’ai un regard de plus en plus critique, en me disant ça c’est génial, j’aurais pu l’utiliser, ce genre de référence est hyper intéressante. Le sport, je l’ai malheureusement arrêté avec le covid, jusque là je faisais de la compétition de basket. Et je m’intéresse aussi beaucoup à l’intelligence artificielle, comment ça fonctionne, comment c’est entraîné. Pour faire des recherches, pas pour l’écriture : cela ne fonctionne pas comme quelque chose de vivant ni avec du style.

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