Pourquoi avoir choisi d’exercer ce métier de bouchère-charcutière ?
Christine Spiesser : Je n’étais pas du tout prédestinée à devenir bouchère, au départ c’était une obligation puis c’est devenu une passion. En 1981, mes parents ont ouvert leur boucherie et j’ai commencé à y travailler dès l’âge de 12 ans le soir avant de faire les devoirs. Dès que j’ai repris l’entreprise, je me suis orientée vers les marchés à Strasbourg. La boutique, ce n’est pas ce que je préfère, j’ai besoin de bouger, de voir du monde, d’être dehors. Il me faut de l’animation, je vais chercher mes clients. J’ai besoin du contact avec les consommateurs. C’est pour cela qu’aujourd’hui, mon seul point de vente, c’est le camion.
Vous êtes la première femme à être devenue Maître artisan-bouchère-charcutière-traiteur, comment avez-vous fait pour percer ?
Christine Spiesser : C’était très difficile, j’étais la seule femme qui voulait faire un métier d’homme. Je n’avais pas le droit à l’erreur, mon père était très exigeant. J’ai d’abord passé un brevet d’étalière parce qu’il n’y avait pas de classe de boucherie-charcuterie au féminin et les hommes ne m’acceptaient pas. En 1990, j’ai commencé à préparer le brevet de maîtrise, mais pendant trois ans je n’ai pas pu le passer parce que j’étais une femme. En 1994, je me suis rasé la tête pour ressembler à un garçon, j’ai utilisé les vestiaires des hommes, on était tous masqués et gantés, personne ne pouvait savoir que j’étais une femme. Je passe les épreuves, j’ai obtenu le diplôme en étant major de promo et je suis devenue maître artisan au féminin.
Vous avez reçu de nombreuses récompenses, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Christine Spiesser : La médaille de l’ordre du Mérite agricole en 2015, c’est celle qui m’a le plus touchée. Cela vient récompenser mes actions avec les producteurs en faveur d’une agriculture raisonnée à partir de races d’origines. Je me suis investie dans la gestion de l’alimentation de l’animal, son bien-être, son temps de repos. J’ai pris ce virage dans les années 2010, au départ c’était compliqué parce que personne n’y croyait. J’ai été précurseur dans mon métier à être attentive aux soins des animaux, à leur confort, leur santé. Aujourd’hui, on m’appelle de partout pour travailler avec moi.
Quelles valeurs alsaciennes souhaitez-vous transmettre ?
Christine Spiesser : Le partage, je veux donner du plaisir aux gens. J’ai toujours cette flamme en moi, je suis passionnée. Je fais des rencontres improbables avec les éleveurs, les consommateurs. Je veux mettre en valeur le terroir et la culture alsacienne du bien manger à travers mes produits.
Matéo Bastian