En 2020, Betty fut un voyage inoubliable qui m’avait plongée au cœur de pages bouleversantes et tragiques, célébrant le pouvoir de la vie sur la mort. Avec Du côté sauvage, Tiffany Mc Daniel revient avec un roman qui une fois encore met à l’épreuve le lecteur, la noirceur omniprésente ne laissant que peu de respirations possibles. L’autrice s’est inspirée d’une histoire vraie rendant hommage à six femmes de Chillicothe malmenées par la vie, dont les meurtres en 2014 et 2015 n’ont jamais été élucidés. C’est dans cette ville ouvrière sordide que vivent Arc et Daffy, deux sœurs jumelles inséparables, aux cheveux couleur de feu et aux yeux vairons. Dans leur vie rôde le fantôme d’un père mort d’une overdose. Quant à leur mère et leur tante toxicomanes, elles sont des femmes brisées par l’existence. Alors pour contrer le côté sauvage de leur vie et tenter de faire taire les démons qui dès l’enfance les ont prises en otage, les deux jeunes filles vont imaginer des histoires. Celles en particulier que leur a léguées Mamie Milkweed, grand-mère solaire trop tôt disparue. Enchaînées par une vie chaotique, elles vont donner à cet imaginaire, à ces rêves que cultivait leur aïeule, la puissance de contrer l’obscurité de l’existence en les transformant en reines imaginaires d’un royaume aux frontières incertaines. De la sororité qu’elles ne cesseront de cultiver, à cette rivière qui tout au long de leur existence les accompagnera, l’autrice dresse dans le portrait de ces destins tragiques, des femmes oubliées et sacrifiées sur l’autel de prédateurs, assoiffés de violence.
C’est terrible et d’une noirceur infinie. Les mots de Tiffany Mc Daniel nous prennent aux tripes, dans ce chant macabre étourdissant où l’on navigue entre les fumées galopantes des usines au travers desquelles les étoiles tentent malgré tout de se frayer un chemin. L’autrice ne nous épargne rien, nous conduisant avec un talent incontestable dans ces partitions de vie fracassées en réussissant le pari de nous mener une nouvelle fois dans les profondeurs de l’âme humaine. Et c’est bouleversant.
Isa sur insta : L’odyssée des mots