L‘homme-dé paru aux États-Unis en 1971 est un livre culte, inclassable, qui questionne et bouscule. Prônant une philosophie de vie pour le moins subversive, l’auteur, de son vrai nom Georges Powers Cockcroft, s’est inspiré de son propre vécu et de ses théories personnelles pour écrire ce récit. L’homme-dé, c’est l’histoire de Luke Rhinehart, psychiatre new-yorkais qui traverse un passage à vide. Il n’a plus foi en son métier, ses patients deviennent horriblement normaux, son livre sur le sadomasochisme piétine et son couple se dissout dans la routine. Il va suffire d’une soirée arrosée pour faire basculer son existence, lorsque lui vient l’idée de jouer sa prochaine décision sur un coup de dé. Le sentiment de libération extrême que lui procure ce passage à l’acte va le conduire à faire du hasard son unique système de vie. Les dés vont devenir le moyen d’assouvir ses fantasmes les plus fous, de donner libre cours à ses idées les plus incongrues. Il va jouer aux dés ses choix de vie, les personnalités qu’il va endosser, ses amitiés et sa sexualité. Le hasard des dés va lui permettre de donner à sa vie une liberté jusqu’alors contrainte par les codes de la société et de mettre en lumière les différentes parts qui le constituent sans avoir le besoin de répondre à l’injonction de se conformer à une identité unique. Mais à quel prix ? Le chaos finit par contaminer son environnement, le narrateur voit sa vie se déliter jusqu’à la folie. Forcément avec un tel panel de possibilités, il faut s’attendre à côtoyer d’intenses parts obscures que cette pratique aléatoire peut engendrer.
L’homme-dé est un roman dérangeant, vertigineux, brillant et sans compromis qui vient anéantir toute forme de morale avec férocité. On est pris par un vertige, grâce à cette plume agile et impertinente qui nous guide au cœur de ce texte. L’imprévisible règne en maître, prêt à pousser très loin les limites de notre tolérance, et l’on aurait presque peur après cette lecture d’approcher un jeu de dés de trop près.
Isa