Pourquoi elle ? Le sol européen regorge de voitures anciennes, et l’Allemagne n’est pas bien loin. Alors, pour dénicher une Mercedes, il y avait peut-être plus simple. Marc, 58 ans, alsacien de souche et cadre commercial à Schiltigheim, le concède : « Je me pose encore la question ! C’était le modèle que je cherchais, mais pas forcément cette couleur-là… En fait, tu peux regarder des annonces toute ta vie, et ne jamais avoir le coup de cœur ».
Marc calcule le décalage horaire, et se lève à deux heures du matin pour appeler le professionnel qui vend celle qui est désormais quadragénaire. « Il m’a envoyé une centaine de photos. C’est une voiture canadienne à la base, achetée à Vancouver. Elle est ensuite passée par Palm Springs et Scottsdale. Il y a l’intégralité des factures, y compris celle de l’achat d’origine. »
Rassuré sur la faisabilité de l’achat et de la livraison, celui qui ne se considère pas comme un passionné se lance alors dans les démarches. « Je voulais un modèle fiable et pas hors de prix non plus. En 2019, le cours de l’euro par rapport au dollar est plutôt avantageux. »
L’Allemande maquillée
Moins de 20.000€ au final pour un modèle d’exception, transport et taxes compris. Franchement, ça sent la bonne affaire. Bien sûr, Marc m’invite à faire un tour. Elle dort paisiblement dans un garage fermé à 300 mètres de chez lui. Sur ce modèle conçu pour le marché américain, il y a quelques détails qui font de cette Mercedes un véhicule un peu à part, et Marc a souhaité la laisser telle quelle. « Elle est entièrement d’origine, et je ne veux absolument rien changer », envoie le Schilikois d’emblée.
« Il y a ce gros pare-chocs américain auquel il faut un peu s’habituer… Il y a aussi ces phares ronds alors qu’ils sont plus carrés dans la version européenne. Les sièges sont en MB-Tex, un genre de skaï, ça tient super bien. »
En allumant l’autoradio, une antenne sort de nulle part à l’arrière. Bien sûr, il faut tout faire à la main, comme pour rouler en version décapotable, « la liberté ». D’un coup, un éclair lui revient : « Ah ! Si ! Le compteur a été changé, il était en kilomètres et il est passé en miles, forcément. Mais j’ai le compteur d’origine dans le garage ! »
Et dans la boîte à gant, la petite plaque en laiton poinçonnée au nom de la première propriétaire. Unique.
Taillée pour rouler cheveux au vent
Le V8 ronronne tranquillement. « Ce n’est pas un modèle sportif », souligne Marc. « Mais ça me va très bien ! » De manière presque étonnante, cela vient aussi des contraintes écologiques américaines de l’époque… « Il y avait des exigences en termes de consommation. Elle a été munie d’un pot catalytique, et le 3,8L n’envoie que 155 chevaux, alors qu’on est à plus de 200 sur la version européenne ! » 204 chevaux précisément, mais on a bien compris que le but n’est pas d’aller vite, mais d’aller bien. Un peu comme un bon vin, les balades en SL, ça se partage.
La discussion tourne autour de l’automobile en général. Marc déplore qu’aujourd’hui, « toutes les voitures se ressemblent un peu. Tout le monde est équipé pareil. L’ancien, ça garde du charme. C’est un bel objet qui sort du lot, et ça reste un achat raisonnable on va dire. Elle ne va pas perdre de valeur, et tu te fais plaisir ».
Ce qui fait plaisir, ce sont aussi les commentaires, les regards, les sourires. Lorsque la voiture arrive à Schiltigheim – sept mois après la commande, « un petit stress » Marc poste une photo, sans trop montrer les lieux. Lui qui est très peu sur les réseaux sociaux déroge pour une fois à la règle. « Très vite, je reçois un message de quelqu’un que je ne connais pas et qui me dit : Bienvenue à Schiltigheim ! C’était Bruno Livernais, le président du club Mercedes Grand Est. Un passionné. Il m’a été d’une grande aide ensuite pour trouver les numéros de châssis, de moteur, etc.»
Ils vont bien ensemble finalement. La Mercedes correspond à l’idée que Marc se fait de la vie. Être un peu à part, modestement. Chercher la tranquillité, sans esbroufe. Se sentir libre. Alors quant à la revendre un jour… « Mais pour acheter quoi ? Avec une voiture comme ça, tu rencontres du monde, tu échanges. »
Liberté, partage. Et si c’était ça, la définition du bonheur ?
L’info en plus
Une star de cinéma ! La R107 représentait le glamour chic des années 1980. Elle a été la voiture de Bobby Ewing dans Dallas, de Richard Gere dans American Gigolo, de Jonathan Hart dans L’Amour du Risque, et même d’Eddy Murphy, dans Le Flic de Beverly Hills !