Mini-Loup policier, Mini-Loup dans l’espace, Mini-Loup en vacances, mais qu’en est-il de sa naissance et de la vôtre en tant qu’auteur illustrateur ?
Philippe Matter : Pour vous répondre, il faut que je retourne à la genèse de l’histoire, mettez-moi directement un coup de vieux ! J’ai un parcours scolaire plutôt chaotique, je n’ai pas dépassé la troisième, mais j’ai croisé la route d’un prof de dessin qui m’a dit que je me débrouillais bien et qui m’a conseillé de faire les Arts déco à Strasbourg. J’ai suivi ses conseils et le remercie encore parce que sans lui ma vie aurait été bien différente. Je suis donc rentré en graphisme et j’avais des cours en commun avec des élèves qui faisaient de l’illustration. Quand j’ai vu leur travail, j’ai eu un flash et je me suis dit c’est ça que je dois faire ! J’ai réussi à passer les deux diplômes dans le cursus, deux pour le prix d’un ! Quand j’ai terminé, j’ai créé ce personnage. C’était une époque où les loups étaient de grands méchants et mangeaient les enfants. Je voulais faire un loup qui joue à faire peur, mais qui soit un enfant aussi pour sortir de cette image effrayante. Ça ne devait pas être une série, ça devait juste être une histoire, un one shot : Mini-Loup, le petit loup tout fou. La plupart des éditeurs que j’ai contactés à l’époque n’étaient pas intéressés, mais Hachette a tout de suite accepté de publier.
Le « one shot » est devenu une longue série, pourquoi avoir poursuivi l’histoire et comment avez-vous fait pour vous renouveler ?
Philippe Matter : Le premier numéro s’est bien vendu, on m’a proposé d’en faire un autre alors pourquoi pas ? Je ne sais pas si je me renouvelle, mais je vais vous dire cette phrase que j’aime bien employer : je fais des livres pour les enfants, pour les enfants, à bien dire deux fois, c’est mon obsession. Quand je fais des histoires, je veux que ce soit pour eux. Des idées, on ne peut pas en manquer, leur quotidien est une ressource inépuisable. J’utilise des thèmes de leur univers proche, les vacances, l’école, la petite sœur, et je travaille aussi les thèmes qu’ils adorent comme les dinosaures, etc. À l’époque ma fille faisait du poney, alors je m’en suis inspiré pour faire Mini-Loup au poney club. J’ai rencontré une petite fille qui allait à l’hôpital, et si Mini-Loup y allait aussi ? Je n’étais pas sûr que ce soit une bonne idée commercialement et finalement ça marche super parce que ça devient un outil pour les parents.
-Une mère de famille se glisse dans la conversation- : C’est vrai qu’on utilise beaucoup Mini-Loup pour expliquer au fur et à mesure les différentes étapes de vie à nos enfants. Par exemple, le mien vient de perdre sa première dent alors on lui a lu Mini-Loup et la dent de lait, d’ailleurs Monsieur Matter est-ce que vous voulez bien lui dessiner une petite souris pour la dédicace ? Comme ça elle passera cette nuit sous l’oreiller !
Juste avant le début de notre interview, vous avez été accosté par un autre parent venu avec son fils qui vous disait que lui aussi vous lisait enfant, ça doit vous faire quelque chose non ?
Oui, surtout la première fois qu’on me l’a dit, ça m’a fait un sacré truc. Je m’en souviens encore très bien ; un père de famille m’a raconté que la dernière fois qu’on s’était vu en dédicace, c’était en 1997 et qu’il avait 5 ans. Là il revenait avec son fils. Ça fait bizarre, mais Mini-Loup n’a pas pris une ride, moi un peu plus !
Est-ce que vous êtes resté un grand enfant ?
Oui je ne suis certainement pas toujours très mature, parce que mes propres conneries me font rire !
Mini-Loup a-t-il changé au fil des années ?
Il n’a pas changé dans sa façon d’être et ses aventures. En revanche, si on compare les premiers numéros aux derniers, il a un peu évolué, enfin ce sont mes dessins qui ont changé, je me suis perfectionné.
Votre personnage a été adapté en dessin animé, c’est une fierté ?
Le monde merveilleux de la télé n’est pas toujours reluisant… Ils sont tout puissants et ils font finalement ce qu’ils veulent. Je ne dirais pas que j’ai perdu la main, je n’aurais pas voulu garder Mini-Loup que sur le papier et je trouve les dessins animés vraiment réussis à l’écran, c’est un beau produit, mais le « à côté » est beaucoup plus compliqué, c’est dommage… Je suis le petit chef du truc, mais de loin !
Est-ce qu’un jour Mini-Loup deviendra grand ? Peut-être même parent ?
C’était une idée que j’ai eue au début, de le faire évoluer jusqu’aux romans adultes, de le voir grandir, mais finalement je ne m’en sors déjà pas comme ça (rires), mais ça aurait été marrant de faire un personnage qui suit les lecteurs. Je ne sais pas si c’est une idée qui plairait aux enfants, de le voir grandir en même temps qu’eux. Chaque année, je suis impressionné en me disant que ça va s’arrêter parce que je suis vieux et que les goûts vont changer, et pourtant ça se maintient, alors qui sait ?
Vous arrivez sur la fin de votre séance de dédicace et de notre interview, n’êtes-vous pas complètement éreinté en fin de journée ?
Sur la fin je dois avouer que je ne vois plus rien, mes mains fonctionnent encore, alors c’est le plus important ! Mais là ça va, c’est une séance à taille humaine. Et puis, j’aurais plutôt tendance à décerner un diplôme aux parents qui sont tellement patients !