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jeudi 28 mars 2024
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Erstein – Il est le fils du dernier empereur du Vietnam

Saviez-vous que le treizième et dernier empereur du Vietnam est passé par Erstein ? Le régent y a même follement aimé une Ersteinoise qui lui a offert un treizième et ultime enfant : Patrick Édouard Bloch.

Avant d’arriver en Alsace, détour par l’Asie. L’histoire commence en 1949, le prince Nguyễn Phúc Vĩnh Thụy, intronisé Bảo Đại sous la colonisation française, ne le sait pas encore, mais il sera le dernier empereur du Vietnam. Le nouveau régent est une petite tornade pour l’ancien régime, il a étudié en France et son éducation à l’occidentale lui donne l’envie de faire évoluer les mœurs de son pays. Il parle français aux cérémonies, supprime le gynécée (appartements réservés aux femmes) et les eunuques, il décide même de braver les traditions et d’épouser – presque en secret – une Française, finie la polygamie. 

Malheureusement pour lui, la situation du Vietnam est particulièrement instable, le pouvoir des colonies françaises l’est tout autant, ce qui fragilise sa position. Il finit par être destitué le 23 octobre 1955, il est forcé de quitter son royaume. Un retour en France s’impose. En Alsace, et il se lie d’amitié avec des comtes et d’anciens députés. C’est lors d’une partie de chasse qu’il croise le regard de Christiane Bloch-Carcenac. De cette liaison, de cet amour interdit qui durera plus de dix ans, naîtra Patrick-Édouard en 1958. 

Patrick-Édouard Bloch et Bảo Đại. / ©DR

Vipère au poing

« Je n’ai su que très tard qu’il s’agissait de mon père. Il venait me chercher après l’école à Erstein avec une grosse voiture. Ma mère m’avait dit de l’appeler Majesté », raconte Patrick-Édouard. Un jour, dans l’ascenseur avec ce mystérieux empereur, celui-ci discute avec le liftier et l’enfant l’entend prononcer les mots suivants en le désignant « c’est mon fils ». « Comme je ne comprenais pas, il m’a dit de demander à ma mère. Quelle erreur ! Je n’avais que huit ou neuf ans et, de retour à la maison, quand j’ai osé lui demander pourquoi ce monsieur avait dit une chose pareille, je me suis fait sermonner et elle a sorti le martinet ». 

Patrick-Édouard Bloch n’a pas une enfance heureuse. À l’école, il subit des moqueries, « on me surnommait le petit bâtard, j’étais constamment brimé par ma mère, je devais d’ailleurs la vouvoyer, elle était très autoritaire avec moi, je n’avais pas droit à grand-chose ». Alors qu’il est privé de son insouciance, les escapades avec son père sont une échappatoire. En parallèle, il est témoin du tumultueux triangle amoureux entre la matriarche, son amant, et Georges Bloch, le mari de sa maman, responsable d’une quincaillerie industrielle à Erstein. « Ma mère et mon père ne cachaient absolument pas leur relation. George lui laissait souvent des mots sur la table – que je pouvais lire – où il l’implorait de lâcher celui qu’il qualifiait d’empereur de pacotille. Je pense qu’il aimait éperdument ma mère malgré ce qu’elle lui faisait subir ». 

Dans les années 70, après avoir savouré près de dix ans de liaison dangereuse, l’ex-souverain décide d’aller voir ailleurs et de filer à Paris : « Ma mère a préféré la stabilité d’un mariage au risque d’être la maîtresse jetée en cours de route ». 

L’empereur Bảo Đại au pouvoir. / ©DR

Un livre autoédité

Le lien entre Patrick-Édouard et son père n’est pas brisé, ils voyagent beaucoup ensemble et le jeune homme va lui rendre visite très régulièrement à Paris. L’empereur se remarie à une certaine Monique Bodeau qui aimait vivre dans l’opulence et organisait des réceptions sans arrêt : « Mais mon père n’aimait plus les mondanités, il voulait rompre avec tout ça. À cette époque, il s’est beaucoup confié à moi à propos entre autres de son enfance difficile, nos vies se ressemblaient beaucoup, il a finalement toujours été très seul, comme moi ». 

Maintenant installé à Strasbourg, Patrick Edouard a écrit un livre inévitablement intitulé Tu dois l’appeler Majesté dans lequel il rend un dernier hommage à son père (Bảo Đại s’est éteint en 1997, à l’âge de 83 ans) et partage son histoire hors du commun. Du Vietnam, Patrick Edouard ne connaît presque rien, il n’y est jamais allé : « Je ne m’y risquerai pas, mon père roulait en voiture blindée, ce n’était pas pour rien ».  

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