Elle râlait, ma voisine, l’autre jour en rentrant, elle disait « je me suis gelée toute la journée depuis que mon patron a décidé qu’il fallait faire des gestes pour la planète, il a baissé le chauffage, j’ai les doigts plus glacés que les spectateurs des stades climatisés du Qatar ». Et puis, elle a continué sans faire attention à mes réactions, alors que j’allais dans son sens vraiment, elle a dit qu’elle passait « trois heures par jour à jeter ses mails à la poubelle, que la Fnac lui rappelle sans arrêt qu’elle peut donner son avis sur son dernier achat (lâchez-moi, merci), qu’Apple lui propose toutes les heures de sauvegarder ses données en souscrivant un abonnement à iCloud (même pas peur de tout perdre), que des spams lui chatouillent les doigts de pieds ». J’ai enfin pu en placer une, j’ai ajouté que j’étais d’accord, que l’on avait des gros problèmes quand même, que moi par exemple, lorsque je roule en voiture, j’ai l’impression que quelqu’un me regarde et va me dire que ce n’est pas bien de détruire la planète, mais qu’au moins ici, car je suis un type optimiste, on pouvait boire une Meteor ou un vin chaud. Ma voisine a répondu que cet hiver « on devrait confirmer le vieil adage, une pomme dans nos gueules par jour éloigne le médecin, car on n’aura pas la lumière dans toutes les pièces ». Je n’ai rien compris, mais ce n’est pas très grave, elle est comme ça ma voisine, parfois terrienne, parfois lunaire. Puis, elle est entrée dans son appart’ en criant « je te laisse, je vais me réchauffer avec Alain Chabat, j’ai rendez-vous avec lui tous les soirs sur TF1, lui au moins, il va me sauver la journée ». Je suis rentré chez moi, avec le nez froid, les doigts transis, le cœur grelottant, il ne me restait plus que mes yeux pour ne pas pleurer. Alors, j’ai allumé mon radiateur et mon sapin d’un claquement de doigts, et le bonheur n’était plus très loin.