Aldo Platini, le père de Michel, habitait Nancy, il venait souvent le dimanche faire une balade dans les Vosges et l’après-midi, un petit tour des stades pour voir des matchs amateurs en Alsace. Sa passion du football se combinait à son sens de l’observation. En voyant les gamins courir, il décelait les futurs champions qu’il allait inviter à suivre des stages dans son centre de formation.
Ce jour-là, il est attendu au Club-House du FCSRO, Football Club des Sports Réunis d’Obernai, par Raymond Stieber, un vieux copain, ancien professionnel du Racing, qui avait mené le club d’Obernai en Division d’Honneur, et même l’avait sacré Champion d’Alsace en 1969. Ils vont rejoindre d’autres vieilles pointes au Zweckbrunnenmatten pour un tournoi de belote organisé par le FC de Rosheim.
Aldo adore tous les villages des environs, une bonne petite bouffe dans l’auberge du coin puis direction le terrain où il y a plus de monde sur l’herbe que derrière les barrières. Les spectateurs sont généralement les copines des joueurs. Et puis les parents des plus jeunes, les potes qui viennent pour la « troisième mi-temps », parfois aussi le sponsor, un commerçant des environs, qui mettra sa banderole bien en vue les jours de championnat. C’est souvent un ancien membre du Club « qui a réussi ». Il faut un budget pour avoir de quoi acheter des ballons neufs, des chaussures à pointe, des maillots à manches longues, de quoi payer l’essence pour des matches à l’extérieur et même une machine à laver pour éviter aux mamans la corvée de la boue sur les shorts et les chaussettes.
Papa Platini entre prendre une dernière bière. Punaisée au-dessus du bar, dans le Club-House, une double page couleur de l’Équipe, l’AS Saint-Étienne, avec une flèche au stylo rouge au-dessus de la tête d’un joueur bientôt Ballon d’or. C’était il n’y a pas si longtemps, quand à Rosheim le foot n’était qu’une histoire de copains du dimanche après-midi.
Ambroise Perrin