Pour comprendre la croissance du padel en Alsace, on prend la direction du TCP Reichstett, premier club alsacien à avoir installé des pistes. En 2016, Gilles Feist vient d’accéder à la présidence, et il avait besoin d’idées : « Je ne voyais pas comment amener des débutants au tennis. On avait 135 licenciés, la moitié avait plus de 60 ans, l’autre moitié, c’était l’école de tennis, et au milieu, il n’y avait rien. Avec le padel, on avait accès à un sport de raquette facilement. Aujourd’hui, on compte 520 licenciés. On peut le dire, sans le padel, il n’y aurait plus de club à Reichstett. »
Avant de devenir le chargé de développement padel à la Ligue du Grand Est de tennis, Yanis Muesser était classé 0 au tennis. « Il y avait un peu de lassitude, parce que pour être négatif, il faut commencer à pas mal voyager… En septembre 2019, j’essaye le padel, et au bout d’un an et demi, j’avais totalement lâché le tennis. » Une conversion rapide qui a surpris ses amis tennismen. « Un tournoi de padel, tu sais que c’est samedi, dimanche, une après-midi, ou une soirée. Le tennis, tu gagnes, tu ne sais pas quand tu rejoues, il faut revenir… Il y a un côté plus simple avec le padel. »
Simplicité
Plus simple dans la pratique, mais aussi dans l’organisation donc. Yanis, dans sa fonction, ne s’ennuie pas : « On a fait une étude auprès des clubs de tennis de la région, et 80% disent qu’ils souhaiteraient mettre au moins une piste de padel. Ça permet de diversifier la pratique, de redynamiser certains clubs. » Du côté des joueurs, Julien Motz, de l’Ill TC, classé 1/6 au tennis, mais désormais aux portes du Top100 français en padel, explique son goût pour la discipline : « J’ai basculé il y a deux ans et demi, parce que je commençais à être frustré. Je viens aussi du foot, et avec le padel, j’ai retrouvé un esprit d’équipe, et je retrouve aussi des filières que j’aime au tennis : la volée, le smash, la puissance… Tu peux vite être très bon. Mais ce sont deux sports incomparables : c’est pas les mêmes gestes, pas la même logique. »
Avec une licence multi-raquettes imaginée par la FFT, de nombreux clubs voient des joueurs passer du tennis au padel, et inversement. Le succès des structures privées, type 4Padel ou le G-Padel de l’ancien joueur du Racing Kévin Gameiro, ne se dément pas, et complique d’un autre côté le comptage des pratiquants. « On sait que dans le Grand Est, on avait 1 300 licenciés en 2023, 2600 fin de saison dernière, et qu’on est déjà à 2 800 pour la saison en cours », explique Yanis Muesser. « Mais par exemple, 4Padel nous indique avoir 10 à 15 000 joueurs… On estime en France avoir 500 000 pratiquants, pour environ 75 000 compétiteurs qui font des tournois. »
« The place to be »
Pour Gilles Feist, aucun doute, « c’est devenu the place to be. Avant, les jeunes chefs d’entreprise faisaient un golf, maintenant ils se retrouvent entre midi et deux pour faire un padel. Ils boivent un coup, c’est convivial. Quand Gameiro s’est installé, il n’a pris des clients à personne, il y a une telle demande ! » À Truchtersheim, Thomas a découvert le padel dans le sud, au camping, l’an dernier. « Depuis, je joue deux à quatre fois par semaine », explique l’agent immobilier. « C’est un sport complet, on doit énormément se parler, et c’est super ludique : on peut jouer avec les vitres, ralentir le jeu, smasher… C’est plus facile à contrôler qu’une raquette de tennis. » Parmi les points noirs relevés toutefois : un coût aujourd’hui très élevé dans les structures privées, et la difficulté à monter des écoles de padel pour les jeunes. Et puis la guéguerre avec les joueurs de tennis se poursuit, comme lorsque Julien, 15/5 de Marlenheim, estime que le padel, « c’est une discipline à part pour ceux qui n’arrivent plus ou pas à jouer au tennis ».