« Vous avez jeté votre dévolu sur la bonne rue, c’est un condensé de l’évolution architecturale et de l’histoire de l’Alsace du 12e au 18e siècle », me lance-t-elle d’entrée de jeu. Avant de commencer la visite, fin d’un mythe, il n’y avait en effet pas de pèlerins ici, c’est un hommage à une famille de nobles, les Pilgrim, tout simplement ! Cependant, concernant la Dîme, il y a des choses à raconter…
Premier arrêt, la maison romane, qui date du 13e. À cette époque, l’Alsace traverse une grande période d’opulence, alors la demeure appartient à des ministériels d’empire, une catégorie sociale très élevée propre à notre région. Elle sert de cour dîmière, soit l’endroit où l’impôt était entreposé, celui-ci se comptait en denrées agricoles et viticoles. À Obernai, les terres étant particulièrement prospères, il y en avait une vingtaine ! Les deux résidences collées au n°8 sont aussi des maisons romanes qui donnaient sur un ensemble de trois cours à l’arrière, dorénavant transformées en parking. Et la petite porte qui peut être aperçue sur le pignon du n°8 et qui s’ouvre sur le vide n’est pas pour Casper : « On pense que cette façade donnait sur une rue qui permettait d’accéder à la cour et il y avait un système de poulie pour monter toutes les marchandises stockées ! », explique la guide.
Au 16e, changement de propriétaire pour l’ensemble de maisons, le nouveau baron modifie la façade et agrandit les fenêtres, les ouvertures romanes sont en partie murées, d’où la cacophonie de châssis. La bâtisse a été classée, et habitée jusqu’à la fin des années 1900 par la famille Strohm, actuels propriétaires du restaurant La Dîme. « Une légende dit qu’il y avait un tunnel qui montait jusqu’au mont Sainte-Odile pour y ramener les récoltes, mais on le cherche encore ! », glisse Philippe Strohm, de passage dans la rue.
En face de la maison romane, il y a la maison à colombages d’un viticulteur : « Le petit fils l’a rénovée à l’identique, si elle paraît récente, c’est parce que toutes les poutres ont été changées, les anciennes avaient été attaquées par le capricorne, un insecte xylophage ». La porte de la cour est ouverte, nous avons de la chance ! « Le RDC servait de cave et de pressoir, parfois il y avait aussi des établis, les volets s’ouvraient de haut en bas et faisaient office de comptoirs de magasin. Ici, ils ont tous disparu, mais les formes se devinent encore », précise Inès.
Si les maisons à colombages ont plusieurs niveaux et semblent quelquefois se superposer comme des Legos, c’est parce que les gens cherchaient à se réfugier dans les villes fortifiées, « Les remparts n’étant pas extensibles, il a fallu prendre de la hauteur. D’ailleurs à l’époque, la rue donnait sur des portes qui fermaient l’accès, mais elles ont totalement disparu ». Les maisons à colombages alsaciennes ont encore bien des secrets à dévoiler, mais pour cela, il faudra attendre une autre rue à…
Lucie d’Agosto Dalibot