Pas besoin d’aller coller son nez sur les grandes caisses en bois le long de la route du contournement pour savoir quels précieux animaux y habitent. Ça bourdonne et fredonne un air de « bz bzz bzzz », ça virevolte joyeusement d’une fleur à une autre et ça savoure la période d’opulence qu’est le printemps. Pourtant tout n’est pas jaune pour nos pollinisateurs, et ce depuis plusieurs décennies : « D’après une étude allemande, nous avons perdu 75% de notre population d’insectes en Europe de l’Ouest, c’est monstrueux et la baisse de biodiversité est principalement liée aux activités humaines, à l’utilisation de produits phytosanitaires, à la déforestation, etc. », explique l’apiculteur en enfilant son chapeau à voile. Il s’apprête à faire découvrir à la novice que je suis le fonctionnement des ruches.
Marc est tombé dans le pot de miel il y a vingt ans et, avec d’autres passionnés, il s’attelle à préserver ces petites bêtes zébrées. « De début avril à fin septembre nous donnons ici des cours d’apiculture et nous avons de plus en plus d’inscrits. C’est inversement proportionnel aux problèmes qu’on rencontre, avant c’était une profession en perte de vitesse, maintenant les gens prennent conscience de l’importance de protéger les abeilles, mais leur nombre décroît ». Pendant qu’il m’explique les ravages de l’Homme sur la nature, Marc prépare son enfumoir : « ça permet de dissimuler l’odeur que diffusent les abeilles gardiennes quand elles détectent une agression. On ne devrait donc pas avoir tout l’essaim après nous ! De plus quand il y a de la fumée, les abeilles pensent qu’il y a un feu, elles se gavent alors de miel pour sauver les récoltes et leur dard est moins actif ». Super, me voilà presque rassurée.
Je ne peux m’empêcher de demander à mon hôte s’il est souvent piqué, lui qui s’applique déjà à ouvrir la ruche à mains nues ! « Tout le temps, on ne s’y habitue pas, mais on connaît la douleur et on la gère ». C’est noté, le trouillomètre finalement à son apogée, je suis prête à déserter en cas d’attaque d’insectes énervés, mais trop tard, Marc me présente une plaque couverte d’une centaine de bestioles ailées. Il la manipule avec précaution et prend sur son doigt un mâle pour me le montrer de plus près, car ceux-ci ne piquent pas.
Games of Ruches ou Lord of Stings
Saviez-vous que les abeilles sont véritablement incroyables ? Moi non, jusqu’à ce jour. Chaque ruche est une entité avec une reine et comprend jusqu’à 70 000 individus par colonie ! Quand Madame commence à fatiguer, les ouvrières préparent la naissance d’une remplaçante, elles nourrissent les larves à la gelée royale trois jours et l’héritière y aura droit jusqu’à ce que sa croissance soit achevée. L’ancienne souveraine peut alors s’en aller avec la moitié de la bande une fois que ses éclaireuses ont repéré l’endroit parfait pour s’installer. Cependant, il ne fait pas bon être la boss au pays des abeilles puisque c’est une existence de cinq ans maximum vouée à pondre 2 000 marmots par jour, non merci !
Je suis scotchée par tout ce que j’apprends et Marc ne manque pas d’en remettre une couche ! « Par forte chaleur, pour maintenir la ruche à 36 degrés, les abeilles cherchent de l’eau qu’elles déposent sur le bas des cadres pendant que d’autres battent des ailes pour que l’air humide rafraîchisse la ruche ! ». Si les Égyptiens n’avaient pas déjà inventé l’électricité comme le prétend Gims, on aurait pu affirmer que les abeilles avaient conçu la clim il y a 100 millions d’années ! « D’ailleurs en parlant d’Égypte, des pots de miel ont été retrouvés dans les pyramides et ils auraient encore pu être consommés », glisse Marc, pas mal pour une date de péremption. Vous en voulez encore ? D’accord ! « Les abeilles récoltent de la propolis aux vertus antiseptiques pour nettoyer chaque cellule avant d’y placer une nouvelle larve ». Bientôt des abeilles médecins ? « Ce qui est sûr, c’est que rien n’est sur Terre pour rien, à part nous peut-être ! », conclut Marc en refermant la porte qui abrite l’animal au cerveau aussi gros qu’une tête d’épingle. Qui a dit que c’était une affaire de taille ?!
L’info en plus
Des visites du rucher sont organisées toute l’année. Prochains rendez-vous fin du mois et courant juin. Pour s’inscrire, contactez l’Office de tourisme d’Obernai.
Lucie d’Agosto Dalibot