Incandescent. C’est le mot qui demeure lorsque l’on referme cette fiction habilement orchestrée par Charles Salles. L’auteur explore l’univers intime de Jean-Luc Lagarce, météore du théâtre français devenu l’un des dramaturges les plus joués au monde. On traverse les jours et les nuits de l’écrivain, ses silences, ses fulgurances, guidé par une écriture souple et magnétique. Lagarce, c’est une fragilité mise à nu, une solitude qui devient matière littéraire, une inadaptation au monde qui se transforme en espace de création. Le roman traverse également les années 80 et 90, marquées par l’ombre du sida, qui bouleverse une génération et redessine les contours du désir et de l’amour. Chez Lagarce, le manque est central, sa quête d’absolu, jamais vraiment comblée. La nuit devient alors son territoire, un espace de recherche et de vertige, quand le jour appartient au travail acharné d’une langue qu’il sculpte avec une exigence farouche.
Ce que propose Charles Salles dépasse largement la simple biographie. Il invente une fiction chorale où défilent le père, la mère, le frère, les producteurs, les comédiens, les amants, et même un double littéraire. Chacun apporte un fragment, une vérité possible, une ombre ou une lumière. Cette polyphonie, d’une finesse remarquable, révèle l’essence d’un homme insaisissable, que l’on n’approche que par les voix qui le traversent. On y entend l’humour, la rage, la douceur, la peur ; surtout, on y ressent l’obstination de vivre et d’écrire, malgré la fragilité, malgré la maladie, malgré tout. On referme le livre avec un étrange vertige : l’envie de relire son théâtre, d’écouter encore ces voix qui l’ont accompagné, de comprendre ce qui, chez lui, continue de nous toucher si profondément. C’est là, sans doute, la force de ce texte. Il questionne, ouvre des chemins, et donne envie d’aller plus loin. Un livre qu’il faut lire, passionnant.
