Ses fleurs couleur crème sont parfois appelées « barbes de chèvre » en français. En alsacien leur mission est plus noble, car elles deviennent « barbichettes de Dieu » (Herrgottsbartele). Sa dénomination alsacienne Mattekenigin signifie reine des prés. Dans la langue allemande, on la retrouve sous quatre désignations : Wiesenkönigin, Rüsterstaude, Wiesengeißbart et Mädesüss. Ce dernier terme signifie « prairie sucrée » et rappelle qu’autrefois la reine des prés était utilisée pour sucrer la bière et le vin.
La désignation française « spirée » est à rapprocher du mot aspirine. Car la reine des prés, une fois séchée, contient de l’acide salicylique dont provient l’aspirine. Voilà pourquoi, outre ses qualités gustatives, elle est appréciée comme anti-douleurs sans effet secondaire.
En cueillant la reine des prés, il faut vérifier si l’ombelle est bien fleurie. Car les petites fleurs n’y fleurissent pas en même temps. Le fleurissement est souvent disparate. Il faut regarder si les 2/3 des ombelles (ou hampes) sont en fleurs. Pour la conservation, il faut veiller à bien les faire sécher, car elles contiennent beaucoup d’humidité.
Cueillez ses fleurs avant qu’elles ne soient totalement ouvertes. Le chef Hubert Maetz, qui l’appelle « vanille alsacienne » pour son goût doucereux, l’infuse dans le lait, la crème anglaise et la crème brûlée. Il la cueille à foison, la sèche, la met aussi sous vide et la congèle pour réaliser durant l’année, entremets, compotes, confitures et liqueurs. Pensez aussi au printemps, avant le fleurissement de la plante, à consommer ses feuilles crues, en salade, et ses boutons floraux au goût d’amande amère, comme un légume.
La mémoire populaire a retenu que cette plante aide à éliminer l’eau du corps et qu’elle soulage les rhumatismes. Cette reine qui fleurira, souveraine et royale, jusqu’à la fin de l’été, mérite bien son nom.

La reine des prés chez les Celtes
Selon les Celtes, l’homme est issu de 9 fruits alors que la femme a été créée à partir de 9 fleurs sacrées qui représentent la féminité et qui ont une forte symbolique. La reine des prés fait partie de ces 9 fleurs, qui se trouvent dans cet ancien poème irlandais nommé
« Hanes Blodeuwedd »
Ni de père ni de mère
Fut mon sang, fut mon corps
Je fus enchantée par Gwydion
Premier enchanteur des Bretons.
Lorsqu’il me forma de neuf fleurs
Neuf bourgeons d’espèces différentes.
De la primevère des monts,
Genêt, reine des prés, nigelle,
Tous ensembles entrelacés.
Sortant de la gousse de fève,
Une blanche et spectrale armée.
De terre, d’extraction terreuse,
D’inflorescence d’orties,
Chêne, épine et timide châtaignier.
Les neufs pouvoirs de neuf fleurs,
Neuf dons en moi combinés
Neuf bourgeons d’arbres et plantes.
Longs et tout blancs sont mes doigts
Comme la neuvième vague.

Crème brûlée à la reine des prés
Recette extraite du livre La cuisine naturelle des plantes d’Alsace (La Nuée Bleue)
Hubert Maetz, le chef du restaurant Rosenmeer à Rosheim aime ce goût et cette texture et désigne la reine des prés par le terme « la vanille alsacienne ».
Ingrédients pour 6 pers. :
25 cl de crème
25 cl de lait
6 jaunes d’œufs
75 g de sucre
50 g de fleurs fraîches de reine des prés
1| Portez le lait et la crème à ébullition, faites-y infuser la reine des prés.
Blanchissez les jaunes d’œufs avec le sucre.
2| Versez le mélange lait et crème préalablement passé à l’étamine, sur le mélange jaunes d’œuf et sucre. Versez la préparation dans des ramequins, de petits bols ou des petites tasses à café expresso.
3| Cuisez à four à 90°C, th. 3 pendant 1 heure. La crème doit être tremblotante au centre.
Pour les petites histoires
Noms français : reine des prés, fausse spirée, herbe aux abeilles, ormaire, spirée ulmaire et ulmaire, barbe de chèvre
Noms alsaciens : Màttekenigin, Herrgottsbartele
Noms allemands : Wiesenkönigin, Rüsterstaude, Wiesengeißbart et Mädesüss
Nom anglais : meadow-sweet (la sucrée des prairies)
Nom latin : Filipendula ulmaria ou Spirea ulmaria
Famille : rosacées
Mois d’utilisation : jeunes feuilles : avril-mai. Fleurs : juin-septembre
Taille : de 0,70 m à 2 m
Habitat : prairies humides, fossés, marais, bords des cours d’eau
Parties consommées : les feuilles et surtout la fleur
Vertus : les fleurs, les feuilles et les sommités contiennent des substances diurétiques, antirhumatismales, anti-inflammatoires, fébrifuges et sudorifiques. Les racines et les feuilles sont astringentes, vulnéraires et détersives.