Un petit carré de sucre ornant la sous-tasse d’un expresso à la terrasse d’un café et soudain je me dis : « Je veux voir Erstein. ». Cette fois, je n’ai pas préparé ma balade à grands coups de cartes, de plans et de wiki-truc-chose : le départ est improvisé, et j’ai envie d’être surprise.
Excellente idée : en suivant la voie qui longe le Rhin, le trajet s’avère plaisant. Le ciel est dégagé, la température douce. Comme je vais plein sud, je pourrais presque me croire en route vers de vraies vacances. Une fois arrivée, je me gare près du centre et m’en vais au hasard, admirant d’abord, simplement, les jolies maisons à colombages bordant les rues que j’arpente sans me presser.
Une aire de jeux très à mon goût
C’est entre l’Hôtel de Ville et les locaux de la Police municipale que j’ai mon premier frisson. L’aire de jeux destinée aux petits gamins est toute de bois et de cordes. Quelle joie : elle n’abrite pas le moindre lapinou bleu, la moindre licorne à crinière pailletée ! À la place, profusion de gros volatiles à l’air sympa : noirs avec de gros becs jaunes. Corbeaux ? Corneilles ? Je ne sais jamais trop comment distinguer les deux. Mais je m’en fiche : ceux-ci me réjouissent tout particulièrement, avec leur air bonhomme. Je résiste cependant à l’envie féroce de me mettre à chevaucher joyeusement le plus proche ou de m’offrir quelques glissades sur le toboggan : pas que ça à faire !
Demi-tour, en avant ! Je reprends mon exploration. Tiens, un peu plus loin, l’une de ces improbables constructions dont les murs n’ont jamais entendu parler d’angle droit !
J’aime bien ces bâtiments ; je me demande toujours la raison pour laquelle on les a construits en biais. Il faudra un jour que je réussisse à franchir le seuil de l’un d’eux, histoire de voir si, à l’intérieur, les meubles sont à l’unisson. Comment ranger des boîtes à chaussures dans une armoire en forme de losange ?
Quel effet cela fait-il de dormir dans un lit-trapèze ?
La question a quelque chose de vertigineux. Avançons.
Divine apparition
Après quelques minutes de marche le nez au vent, nouveau bonheur. Je découvre une adorable placette végétalisée. Celle-ci donne, d’un côté, sur un cours d’eau, un bras de l’Ill, probablement. De l’autre, une scène étonnante : gardant la porte d’une maison, dressée sur le perron, les yeux levés vers le ciel, se tient une assez grande statue de la Vierge. Elle est entourée de plantes, de fleurs, et de trois lanternes. Moi, la cartésienne, l’agnostique, je suis étrangement touchée par cette apparition. Je reste un peu à distance, immobile, à la contempler un moment. Des oiseaux, dans les arbres, accompagnent de leurs chants ma petite méditation.
Mais voilà qu’une dame passe, promenant son chien. Elle me sourit, et m’apprend que cet aménagement date de plusieurs années. Lors de l’épidémie de covid, les occupants de cette demeure ont voulu, ainsi, protéger le quartier et ses habitants. Le dispositif est resté – sans doute peut-on accéder à l’habitation par un autre accès.
On dirait le sud
Je quitte à regret le quai du Château, sans avoir découvert l’édifice qui lui a donné ce nom. En revanche, je peux admirer en chemin le Koschthus, qui à la fin du XIXe siècle accueillait les jeunes ouvrières pour leur enseigner les tâches ménagères. Qu’apprenait-on donc aux jeunes ouvriers ? Mystère.
Je suis presque arrivée à ma voiture quand j’ai brusquement le sentiment que la boucle est bouclée : en arrivant, j’ai songé au sud, et me voici en face d’une maison absolument… sudiste. De volume classique, elle présente divers éléments propres à l’architecture dite coloniale ou tropicale : l’organisation de son balcon, ses volets ajourés, ses lambrequins en rive de toiture… Tout ceci évoque, c’est sûr, des contrées bien éloignées de l’Alsace.
C’est en fredonnant Summer time que je fais démarrer le moteur de ma petite auto. Que de surprises, à Erstein ! Je reviendrai, promis, et cette fois, j’aurai potassé le guide touristique.
