Maxi Flash : Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers tours de roues en handbike ?
Joseph Fritsch : J’avais 7 ans. Je participais à des activités d’été pour les jeunes en situation de handicap. Ainsi, j’ai découvert une multitude de handisports, comme le basket fauteuil, la natation ou encore le ski nautique. Cependant, c’est avec le vélo que j’ai le plus accroché, notamment pour les sensations de vitesse et de liberté. C’était à Mulhouse. J’ai gardé de bons souvenirs. Nous prenions simplement du plaisir à rouler.
Quand avez-vous eu le déclic compétitif ?
À 8 ans, j’ai reçu en cadeau le maillot de champion du monde de mon entraîneur, Patrick Moyses, et ça a été la révélation. C’est ce qui m’a donné envie de faire de la compétition et d’atteindre le haut niveau. À l’âge de 14 ans, j’ai commencé à participer à des courses contre les adultes. Il y en avait peu pour les jeunes. Cela m’a permis de gagner de l’expérience. J’apprenais face aux meilleurs. J’ai pu progresser vite. Dès l’âge de 18 ans, je suis devenu pour la première fois Champion de France de ma catégorie. J’ai réitéré l’année suivante, et à nouveau en 2021.
Vous venez d’évoquer votre catégorie sportive. Comment ça fonctionne ?
En cyclisme handisport, les athlètes sont classés dans différentes catégories, en fonction de leurs handicaps et de leurs capacités fonctionnelles. Pour ma part, j’évolue en handbike (H), ne pouvant pas utiliser mes jambes pour faire du vélo classique. Il existe aussi du cyclisme solo (C), du tandem (B) pour les malvoyants, du tricycle (T) et même une catégorie spéciale pour les sourds (S) ou malentendants. En handbike, il existe cinq niveaux, de 1 à 5, du handicap le plus sévère au moins sévère. Pour ma part, j’évolue en H4.

Vous n’avez pas été retenu pour les Jeux de Tokyo 2020 et pour le championnat du monde, mais vous aviez à cœur de vous rattraper lors du championnat d’Europe, n’est-ce pas ?
C’est vrai. En 2021, en Autriche, j’ai remporté mon premier titre de champion d’Europe, un titre que j’ai conservé l’année suivante. J’ai failli réitérer en 2023, mais je l’ai perdu sur la course en ligne, où j’ai tout de même décroché la médaille d’argent. En 2022 au Canada, j’ai participé à mon premier Championnat du monde. J’ai décroché une quatrième place qui m’a permis de participer au suivant, l’année d’après, à Glasgow. En Écosse, j’ai remporté le titre en relais par équipe, mais aussi une médaille de bronze contre-la-montre individuel.
Quand avez-vous appris que vous étiez retenu pour participer aux Jeux paralympiques de Paris 2024 ? Quelle préparation avez-vous suivie ?
J’ai appris que j’y participerais à la fin du mois de juin. Pour préparer au mieux les Jeux, j’ai effectué des tests en soufflerie, mais j’ai aussi créé des pièces sur mesure pour améliorer mon confort et mes performances. Pour finir, j’ai réalisé un stage en altitude pendant trois semaines. J’effectuais entre 25 et 30 heures d’entraînement par semaine, avec beaucoup de dénivelés. Travailler en altitude entraîne un manque en oxygène. Cela m’a permis de booster la création de globules rouges. Ça a eu l’effet escompté. Je me suis vraiment senti en super forme durant les épreuves des Jeux.
« Je me suis vraiment senti en super forme durant les épreuves des Jeux »
Lors de ces Jeux paralympiques, trois courses étaient au programme. Les deux premières ont été difficiles à encaisser…
C’est vrai. La première était un contre-la-montre individuel. J’ai terminé quatrième, à huit secondes du bronze et vingt-huit de la médaille d’or. Habituellement, c’est loin d’être ma course de prédilection. Je ne misais pas dessus pour remporter une médaille, et pourtant j’y étais presque ! C’était un peu rageant, mais ça prouvait bien que ma préparation s’était bien passée et que j’étais en forme. La seconde course a été la course en ligne. C’est celle où je me sentais le plus confiant, où j’avais le plus de chance de performer. Cependant, j’ai chuté au bout de seulement trois kilomètres. J’ai été contraint à l’abandon, ma roue ayant heurté à plus de 40 km/h le trottoir. Le vélo n’était pas en état de repartir.
Vous avez tout de même réussi à rester motivé ?
J’ai eu la chance que les Jeux se déroulent à la maison, que mes proches aient pu être présents pour m’accompagner, me conseiller et pour me remotiver. Ils m’ont beaucoup aidé pour aborder plus sereinement la troisième et dernière course, le relais par équipe. Nous étions les grands favoris de la compétition, étant champions du monde en titre. J’étais associé à Mathieu Bosredon et à Florent Jouanny. Tout le monde a fait sa part du travail et nous avons gagné, dans les rues de Clichy-sous-Bois. Après cette victoire, un sentiment de soulagement s’est fait ressentir. C’était la course de la dernière chance. L’obtenir devant tous mes proches m’a procuré beaucoup de joie. Il n’y avait pas meilleur moyen pour les remercier de m’avoir encouragé et accompagné.

Comment décrire « l’après » ?
Directement après les Jeux paralympiques, les championnats du monde de Zurich m’attendaient. C’est la première fois que nous roulions sur le même parcours que les valides. C’était très valorisant, et une belle mise en avant du paracyclisme. Bien que je sortais tout juste d’un covid, tout comme mes coéquipiers en équipe de France, j’ai tout de même réussi à remporter la course en ligne, le relais par équipe, et terminer 3e au contre-la-montre. À mon retour en Alsace, je suis beaucoup intervenu dans des écoles, pour partager mon expérience olympique avec les enfants. Depuis, j’ai aussi quitté mon emploi au Gaz de Barr pour me concentrer à 100 % sur mon sport et ma préparation pour les Jeux paralympiques de Los Angeles en 2028. Je peux maintenant envisager de vivre de mon sport. Pour y parvenir, je suis à la recherche de partenaires supplémentaires !