mercredi 18 décembre 2024
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Le sapin de Noël de Wihnàchtsbœm

Le sapin représente le culte de la vie, la joie de la verdure au cœur du solstice d’hiver où les nuits sont si longues qu’elles éveillent des craintes. La vaste forêt contre laquelle est blotti mon village d’enfance, Haegen, regorge de sapins. À l’époque, le Nordmann, originaire du Caucase occidental, n’était pas encore acclimaté dans les Vosges.

Nous utilisions surtout l’épicéa, appelé d’Rottànn. Il est le plus simple, le plus connu, le moins cher, donc le plus usité jadis. De tous les sapins, il est celui qui pousse le plus vite. Il arbore une belle allure vaporeuse. Mais il souffre d’une faiblesse : c’est lui qui perd les aiguilles le plus rapidement.

Sapin décoré à l’ancienne. / ©dr

Plus noble est le sapin noir des Vosges appelé Schwàrztànn, Wisstànn ou Edeltànn : il est moins touffu que l’épicéa, ses aiguilles sont plates et elles sont disposées en rangées régulières et parallèles, comme un peigne (qui se dit pectinis en latin, et l’on comprend mieux pourquoi le sapin est nommé Abies pectinata dans la langue latine). Le sapin noir est plus cher que l’épicéa : il pousse plus lentement et garde aussi ses aiguilles plus longtemps. Ce qui explique pourquoi autrefois il était essentiellement acheté par les gens aisés. Il a de plus un avantage : il sent bon.

Sapin décoré à l’ancienne à l’Ecomusée d’Ungersheim. / ©dr

Le sapin Nordmann est celui qui, de nos jours, remporte tous les suffrages. Il est touffu et détient un avantage certain : ses aiguilles ne tombent pas, même après plusieurs mois. L’arbre se dessèche, perd sa verdeur, les branches se courbent mais les aiguilles tiennent bon. Son inconvénient : il est cher et n’est pas odorant. Sa couleur varie : elle va du vert-clair qui atteste qu’il a grandi dans un lieu ensoleillé au vert foncé lorsqu’il a poussé sur un versant ombragé.

Lorsque Maman descendait du grenier les boîtes de décor, ma sœur et moi étions prises d’allégresse. Quelle joie de retrouver les oiseaux de verre à pincer dans l’arbre et que leur ressort faisait dodeliner ! Les boules de Noël allument des rêves dans les yeux avec leur luisance et leur couleur. Des cheveux d’ange et des guirlandes venaient parfaire l’ensemble. Sans oublier les bougies placées bien droites sur l’arbre. La lueur des bougies est incomparable, mais avec le risque d’incendie, elles ont été supplantées par les bougies électriques qui offrent un choix satisfaisant.

Toujours bienvenus et si fragiles : les cœurs en verre.
/ ©S.Morgenthaler

Certains sapins ont une si belle allure dans leur parure naturelle que l’on hésite à les orner. Alors, pourquoi ne pas se laisser aller à la simplicité en les valorisant simplement avec quelques nœuds de ruban rouge ou avec quelques pommes luisantes ? Les pommes rappellent Êve et le péché originel, et le sapin figure l’arbre du paradis. La pomme idéale pour décorer le sapin reste la pomme de Noël, petite et rouge. En alsacien on l’appelle Chrìschtkìndel (petit enfant Jésus). Elle est destinée essentiellement à la décoration du sapin, car avec son épiderme épais et sa chair acidulée, elle n’est pas très fine pour la consommation.

Les pommes de pin constituent également un bel élément de décor, que ce soit en couleur naturelle ou vaporisées, de teinte dorée ou argentée. Jadis, on accrochait également des hosties dans le sapin. Elles figurent la nouvelle Êve, c’est-à-dire l’église et la rédemption. Brunes ou blanches, elles donnent au sapin une note à la fois de sacré et de simplicité extrême.

Enfin, pensez aussi aux friandises, en utilisant ces pains d’anis nommés Sprìngerle qui figurent des saynètes religieuses et naïves. Utilisez aussi de petits bretzels ou bien des petits gâteaux façon souabe (dits Schwowebredle), au décor de trèfle, de cœur, de lune de cloche, de sabot et autre, en ayant pris soin, au préalable, de les percer avant cuisson à l’aide d’une allumette, pour y passer le fil d’attache. Vous pouvez aussi ajouter – comme le faisait nos ancêtres au XVIe siècle -, des roses et autres fleurs en papier de couleur. Quant aux bougies, elles sont intervenues plus tardivement, n’illuminant le sapin que vers la fin du XVIIIe siècle. Les bougies créent une lumière douce et unique. Mais elles ont été supplantées par les guirlandes de bougies électriques qui offrent une alternative appréciable et de plus dénuée du risque d’incendie.

Des oiseaux de verre, ici dorés, à ressorts et à pinces de fixation.
/ ©S.Morgenthaler

Depuis quand le sapin, cet arbre mythique, a-t-il pris racine sur les versants vosgiens ? C’était il y a 5 millénaires, lorsque les glaciers s’en sont allés. Pendant combien de siècles va-t-il encore allumer des lueurs d’étoiles dans nos yeux ? Cette question reste sans réponse. D’autant que la crise des scolytes, qui décime les sapins de nos forêts, s’accélère. Aussi, sachons doublement apprécier sa présence vivifiante.

Je vous souhaite, du fond du cœur, de belles fêtes de Noël, vécues dans la sérénité et dans l’amour des vôtres. Glìckseeligs Wihnàchtsfescht !

L’info en plus

Le sapin se dit d’Tànn ou de Tànnebœm. Lorsqu’il est décoré pour Noël, on le nomme de Chrìschtbœm (l’arbre du Christ) ou de Wihnàchtsbœm (l’arbre de Noël).

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