Imaginez-vous au supermarché. Vous revenez à la caisse avec en signe de victoire, les sacs poubelles oubliés, et vous vous apercevez qu’un type l’air de rien a poussé votre caddie pour passer avant vous. Vous pestez intérieurement et ne souhaitez rien de bon à l’homme en question. Et là le resquilleur s’effondre sous vos yeux. Étrange coïncidence, non ?
C’est exactement ce qui arrive à Cyril, le héros de Fort Alamo. Mais là où les choses deviennent franchement bizarres, c’est que cette situation se répète. Cyril réalise peu à peu qu’il a un superpouvoir improbable : il tue involontairement les gens qui l’énervent.
Pas de rayons laser ou de super force, juste un don mortel pour l’irritation. Qui n’a jamais rêvé, même l’espace d’un instant, de faire disparaître l’être insupportable qui gâche la vie ? Sauf que pour Cyril, ça arrive vraiment.Fabrice Caro manie l’humour absurde comme personne. Ici il dépeint Cyril, un prof de lycée tout ce qu’il y a de plus normal, piégé dans un quotidien qui tourne au carnage. Son humour repose sur des situations anodines, un détail qui dérape, et boum, c’est le chaos total. Cependant, au-delà de la comédie, Fort Alamo est aussi empreint d’une profonde mélancolie. Cyril doit affronter la perte de sa mère et se résigner à vider la maison familiale, une tâche qu’il repousse avec un sentiment d’impuissance. Ce rapport à l’enfance, si difficile à abandonner, résonne avec une sincérité touchante. Derrière les éclats de rire, le roman pose des questions plus intimes sur le deuil, le passage du temps, et le poids des responsabilités à assumer.
Une farce grinçante
Dans ce roman, comme à son habitude, Caro s’inscrit dans une observation fine de la nature humaine qui rend son écriture percutante. Il parvient à nous faire sourire face aux petits travers du quotidien en dévoilant la fragilité de son personnage auquel on s’attache, tout en nous invitant à réfléchir sur ce que ces moments révèlent de nos angoisses contemporaines. Caro nous conforte dans cette idée que devant l’absurdité de l’existence, la meilleure façon souvent de s’en sortir, c’est d’en rire, et pour cela on le remercie.