lundi 25 novembre 2024
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Laurent Grucker – La course à la folie

À 51 ans, Laurent Grucker de Goxwiller, est venu à bout d’une des courses les plus difficiles du monde, la Swiss Peaks 660, d’une longueur de plus de 700 kilomètres, dont 49 000 mètres de dénivelé positif. Ce périple inoubliable à travers le Valais, en Suisse, a duré plus de onze jours. Moins d’un tiers des coureurs a réussi à passer la ligne d’arrivée. L’Alsacien, qui est habitué à ce type de format, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Rencontre avec ce coureur de l’extrême.

D’où vient votre passion pour le running ?

Dans mon enfance, je pratiquais le judo, et j’étais asthmatique. À la majorité, je profitais de la vie, comme un jeune de cet âge le ferait, mais il m’arrivait de participer à des courses à pied, comme les 10 kilomètres d’Illkirch-Graffenstaden ou d’Obernai, par exemple. Courir n’était pas forcément ma passion, mais je me suis pris au jeu, en accompagnant mon ami Yves. Nous courions ensemble deux fois par semaine. Petit à petit, mon asthme a disparu. À la trentaine, j’ai eu un chien avec ma femme, un dalmatien. J’ai commencé à courir avec lui, très tôt le matin. Il me poussait dans mes retranchements, il voulait toujours en faire plus. La course devenait un vrai bonheur. À 35 ans, j’ai trouvé mon équilibre et j’ai commencé à pratiquer le triathlon. Mon premier à Benfeld, près du plan d’eau. J’ai enchaîné des distances olympiques et même des plus longues, jusqu’à faire mon premier Ironman (3,8 kilomètres de natation, 180,2 de vélo et 42,195 de course à pied) en 2010, à Nice. Habitué à faire des courses de douze heures, j’ai voulu m’essayer au trail.

À quoi ont ressemblé vos débuts dans le trail ?

En 2013, j’ai rencontré Pierre Erhard, originaire de Bernardswiller, qui a dix ans de plus que moi. Pour ses 50 ans, il avait comme projet de réaliser la Diagonale des fous sur l’île de La Réunion, d’une distance d’environ 175 kilomètres. Pour espérer pouvoir l’accompagner, j’ai dû accumuler des points. J’ai réalisé mon premier trail sur les pentes du Haut-Koenigsbourg, et d’autres ont suivi. Par chance, nous avons été retenus pour participer à la course réunionnaise. Pour cette première Diagonale des fous, j’ai terminé en 38 heures, à la 112e place, sur plus de 2 000 participants. En 2014, nous avons participé à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), d’une longueur de 168 kilomètres, que j’ai terminé en 32 heures, à la 180e place. Ensuite, j’ai continué avec des courses de plus en plus longues. En 2016, j’ai participé au trail Valle d’Aosta, en Italie, une course de 350 kilomètres. En 2023, j’ai pris le départ de la Cursa di Ciclopi, en Sicile, d’une longueur de 500 kilomètres. Je me fais plaisir. J’adore ça, c’est devenu ma passion. C’est mon équilibre. Je me mets volontairement en difficulté pour me dépasser.

Course, marche, vélo et nage font partie de son quotidien. / ©Dr
Cet été, vous avez participé à la Swiss Peaks 660, réputée pour être une des courses les plus difficiles au monde, mais ce n’était pas votre première participation !

Effectivement. J’y ai déjà participé en 2021, mais la course ne faisait « que » 350 kilomètres. Il m’est arrivé une mésaventure. Au
180e kilomètre, je me suis cassé le petit doigt de pied. J’étais sur une base vie. Après une sieste, je me suis levé, dans le noir complet, et mon pied a heurté le cadre de porte. J’ai strappé, mais le pansement m’a fait plus mal qu’autre chose. J’ai fait un trou dans la semelle, et avec les endorphines et l’adrénaline, je ne sentais plus la douleur. Je suis tout de même parvenu à passer la ligne d’arrivée.

Votre deuxième participation quant à elle a failli ne jamais avoir lieu…

Deux jours avant le Trail Alsace Grand Est by UTMB, en mai, je me suis fait renverser par une voiture. J’ai eu deux côtes cassées, donc je n’ai pas pu y participer. J’étais à l’arrêt pendant un mois. Je craignais que ça me porte préjudice pour la Swiss Peaks, mais je m’en suis remis assez rapidement, fort heureusement.

« J’avais les larmes aux yeux en arrivant. Il faut le vivre pour le croire »

Vous avez pu prendre le départ, c’était l’expérience d’une vie. Les chiffres donnent le vertige : 710 kilomètres, plus de 49 000 mètres de dénivelé positif, 55 sommets à franchir et plus de 1 500 € pour y participer. Racontez-nous ce que vous avez vécu !

Nous avons pris le départ le 26 août, vers 21h. Vers le 150e kilomètre, j’ai chuté et je me suis fait très mal à l’épaule. J’ai souffert pendant quelques jours, mais elle n’est vite devenue qu’une simple gêne. Durant la course, mon objectif était d’avoir un sommeil suffisant, mais ça n’a pas été le cas. J’ai dû dormir à même le sol dans une arrivée de télécabine, et même à la belle étoile sur un terrain de tennis. Malgré les difficultés pour dormir, j’ai vécu de magnifiques moments sur les bases-vie. J’ai pu discuter avec des athlètes de l’élite, c’était génial. Sur le parcours, la météo était changeante, mais nous avons pu profiter pleinement de la beauté du Valais suisse. Autrement, physiquement, je m’en suis très bien sorti. Je voyais que d’autres athlètes souffraient plus que moi. Nous étions 161 au départ, et seulement 56 à l’arrivée. Les deux tiers ont abandonné. Beaucoup se sont fait avoir par les barrières horaires, par la chaleur de la première semaine, mais aussi par les casses physiques.

Quel était votre sentiment en passant la ligne d’arrivée ?

Je n’étais pas là pour performer, mais pour terminer la course. C’était mon but ultime. J’avais les larmes aux yeux en arrivant. Il faut le vivre pour le croire. C’est avec du recul, quelques jours après, que j’ai pu me rendre compte de ce que j’avais accompli. Je souhaite à tout le monde de ressentir cette satisfaction.

Quels sont vos projets ?

Je vais commencer à peaufiner mon planning de l’année à venir. J’aimerais participer au Cami de Cavalls de Minorque, qui consiste à faire le tour de l’île, mais aussi au Tor des Glaciers, en Italie, une course de 450 kilomètres et de plus de 32 000 mètres de dénivelé positif. Je rêve également de refaire une Diagonale des fous.

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