Christophe Bigot nous emmène avec grâce sur les traces de Marguerite Yourcenar dans un texte lumineux, une « presque » célébration de cette histoire passionnelle, qu’elle vécut dans les dernières années de sa vie. Alors qu’elle vient d’être intronisée première femme de l’Académie française et qu’elle se voit publiée de son vivant dans la Bibliothèque de la Pléiade, elle tombe amoureuse à 76 ans de Jerry Wilson, un photographe homosexuel de 30 ans, séduisant et fantasque. Et ce qui pourrait nous paraître hors norme ou complètement décalé vient sous la plume de Christophe Bigot redire cette soif de liberté et cette excentricité que toujours la grande dame cultiva.
Un récit d’une incroyable beauté et d’une grande intensité.
Cette histoire l’auteur est allé presque la déterrer avec la conscience aiguë d’un enquêteur et le besoin absolu de ne jamais trahir cette envolée des cœurs. Des photos, des lettres, mais aussi et surtout de son œuvre, il a minutieusement cherché les indices et les fragments permettant d’écrire ce qui fut si longtemps resté mystérieux. Dans cette biographie romancée, il redonne vie à cette histoire, mais aussi à ce goût éperdu de croire en la vie et en la liberté qui caractérisait la femme qu’était Yourcenar. En son audace aussi.
Endeuillée par la perte de Grace Frick, sa célèbre traductrice, sa compagne, avec qui elle passa quarante ans de sa vie, Jerry Wilson fut le vent qui lui redonna le goût de croire aux ailleurs encore possibles. Et puis sa beauté la fascine, la fait vaciller. Il lui rappelle Antinoüs, l’amour de l’empereur Hadrien dont elle écrivit les Mémoires, mais aussi et surtout la réminiscence de cette passion qu’elle voua à son éditeur André Fraigneau. Jerry devint l’obsession de Marguerite qui en fit son secrétaire et son compagnon de voyage, l’embarquant aux quatre coins du globe. Dans cette histoire vertigineuse, elle ne cessa de cultiver les trois principes indispensables enseignés par son aimé père. Fuir le conformisme, aimer les êtres vivants et jouir du monde. Cette histoire vient dire tout cela et plus encore et l’on se délecte de ces pages.