vendredi 18 octobre 2024
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La nuit s’ajoute à la nuit de Ananda Devi

L’autrice nous embarque au contact des fantômes qui ont peuplé la prison de Montluc. Un texte intime et bouleversant. Édition Ma nuit au musée/Stock.

Ananda Devi a traversé le miroir dans l’intimité de sa nuit au musée. Elle a choisi de « s’enfermer » dans le mémorial de la prison de Montluc à Lyon. Construit en 1921, le lieu vit passer Jean Moulin et les enfants d’Izieu, des indépendantistes algériens condamnés à mort et exécuté, et même Klaus Barbie qui transita là en 1983 avant son procès. Le lieu n’a rien de commun ni de réjouissant, car « ce n’est pas un musée où l’on peut regarder des tableaux, se laisser consoler par la beauté de l’art : c’est là où l’on vient se confronter à la mort ». Ici on vient sonder la mémoire et se perdre dans les chemins sinueux sur lesquels le passé a laissé la trace des abominations perpétrées. Une nuit à coller sa peau à celle des fantômes qui hantent le lieu à tout jamais. Dans cette nécessaire quête, l’autrice n’est plus sûre de rien, pourquoi prendre ce risque d’aller interroger les drames et les souffrances de l’humanité, comment écrire sur ce qui imprègne les murs, sur ces ténèbres, sur ces traces laissées, sur la souffrance qui habite le silence. Très certainement en tentant de questionner cette part de monstruosité qui rôde en chacun de nous. Sa déambulation nocturne nous embarque au cœur de ses réflexions, dans ce qui la traverse intimement aussi dans cet héritage qu’elle porte en elle, de ses aïeux qui « ont traversé d’autres océans, ont subi d’autres ravages ».

Faire le choix de regarder au cœur de l’obscurité, n’est-ce pas un premier pas vers davantage d’humanité ?

Ce texte ne verse ni dans le sordide ni dans un dégoulinant pathos, mais il interroge avec intelligence les fondements des nuits qui hantent l’Histoire. Montluc devient alors l’endroit permettant de regarder plus loin et plus grand dans ces questions universelles qui nous habitent. Ici entre les murs de cette prison se pose la question de notre nature humaine, de cette capacité à pouvoir nous sauver, à croire « à une aube étrangement belle », à condition d’écouter la nuit et « de ne pas devenir complices par indifférence, complaisant par impuissance ».

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