mercredi 26 juin 2024
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Louise Morel – Valeurs sûres

Louise Morel est élue députée de la sixième circonscription du Bas-Rhin, ce qui fait d’elle, à 28 ans, la plus jeune parlementaire d’Alsace. Elle publie un ouvrage Devenir députée à 26 ans. Un message d’optimisme et d’espoir sur la démocratie (Débats publics). Elle y raconte sa famille, qui lui a transmis la passion de l’engagement dans la vie publique, les difficultés qu’elle a rencontrées, son quotidien, son parcours du Ban-de-La-Roche en passant par Bellefosse jusqu’à l’Assemblée nationale. Un récit pour remettre du débat dans la démocratie.

Après 2 ans dans l’hémicycle, vous avez rédigé ce « rapport d’étonnement », destiné à ceux qui ont jeté l’éponge démocratique, le vote n’est plus essentiel pour les citoyens de notre pays, vous l’écrivez, « ils ne se sentent plus concernés ». Ce livre s’adresse à ceux qui ne votent pas, mais à priori, ils ne lisent pas non plus de livres sur la politique ?

Moi je crois beaucoup à l’histoire du colibri, j’ai fait ma part. En réalité, depuis que je suis élue, je constate que l’on résonne de manière négative, d’où le contre-pied de donner un peu d’optimisme. Le livre est une réflexion, c’est un format qui me semblait très adapté.

Vous racontez que pour être élue députée, vous êtes allée à la rencontre des habitants, commune par commune, 79 au total, que vous avez poussé 400 portes pendant 40 jours, ça fait 16 000 portes. Ce livre est une autre façon d’ouvrir des portes ?

Complètement. J’espère. Déjà il permet de susciter un débat, alors, ouvrir des portes, oui, encore, je le faisais avant, et je touche un public en dehors de ma circonscription. Des collègues m’ont proposé de faire des interventions.

Le sujet est la démocratie. Vous écrivez qu’elle n’est pas malade. Il y a un chapitre où vous expliquez pourquoi, vous écrivez qu’elle fonctionne, même s’il faut faire attention à elle. Je ne suis pas d’accord, je ne sais pas si c’est de l’optimisme ou du déni, mais je crois que notre démocratie est bien malade.

Ce que je dis, c’est qu’il faut en prendre soin, que nous avons la chance d’avoir un modèle qui existe depuis un certain nombre de décennies et qui a montré sa robustesse dans sa capacité de prendre des décisions. Je me méfie des discours de ceux qui veulent renverser la table, qui disent que l’herbe est plus verte ailleurs. Moi, j’ai un discours plus modéré, je dis que dans l’ensemble ça fonctionne, mais je ne dis pas que c’est parfait, au contraire. Je propose un certain nombre d’aménagements, comme repenser l’usage du 49-3 ou comment on pourrait rééquilibrer le temps de travail entre la conscription et l’Assemblée nationale, mais je trouve que c’est faux de dire que ça ne fonctionne pas, parce que ça voudrait dire que les décisions sont illégitimes, ce n’est pas vrai, la majorité l’emporte, mais il faut effectivement en prendre soin.

La députée du Bas-Rhin, toujours très occupée. / ©Dr
Vous êtes engagée depuis longtemps contre le RN, dans Maxi Flash en 2022 vous avez dit qu’il était hors de question de le laisser passer sur votre territoire, et vous le rappeler dans ce livre, mais trouvez-vous vraiment qu’une démocratie fonctionne lorsque deux partis d’extrême droite représentent 40 % des intentions de votes avant les Européennes ?

Vous parlez dans votre ouvrage du prix de la liberté, vous dites que les anciennes générations connaissent ce prix, mais il me semble que les nouvelles générations ne le connaissent pas. C’est bien pour ça que j’ai envie de témoigner. Quand je parle de prendre soin d’une démocratie, ça veut bien dire qu’elle n’est pas au top de sa forme, je ne dis pas qu’elle est pleine de vitalité, je dis que globalement ça fonctionne, et qu’il faut faire attention, à force de jouer avec le feu… La limite de la démocratie est aussi les personnes que l’on place à sa tête. Les partis politiques s’accordent sur les règles du jeu, mais aujourd’hui nous avons des extrêmes qui les remettent en cause et qui décrédibilisent le mode d’actions et de décisions, je crois que c’est ce qui abîme beaucoup la démocratie. C’est sûr que c’est beaucoup plus facile de dire que rien ne va, que les services publics ne vont pas bien, je trouve que c’est profondément irrespectueux pour ceux qui travaillent au quotidien et qui font de leur mieux, dans tous ces secteurs d’activités.

En 2022, toujours dans Maxi Flash, vous disiez « J’ai des semaines de 80 heures de travail », vous avez quand même trouvé le temps d’écrire ce livre, mais trouvez-vous le temps de vivre ?

Oui. Déjà, je suis députée à temps plein, je ne cumule pas plusieurs mandats, et puis d’une manière assez naturelle, je suis très structurée, j’ai une organisation assez militaire. J’ai le temps de faire du sport, de voir des amis. Je travaille beaucoup, mais je suis passionnée. Je cherche à avoir une vie épanouie, où je porte des choses, où je lance des projets.

Vous citez le Cid : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années », mais pour vous c’est une conception aristocratique du monde, vous préférez les hommes bien éprouvés par le travail et l’engagement.

Absolument. En permanence, quand je ne suis pas d’accord avec quelqu’un, on me renvoie à ma jeunesse. Mais j’ai 28 ans, je sais lire, je sais écrire, j’ai fait des années d’études, j’aime me documenter, ce n’est pas parce que je suis en désaccord que je vais changer d’avis parce que je suis jeune. Et ça, c’est assez ancré partout. On est à côté de la plaque, quand je vois le travail des jeunes députés sur les sujets numériques, sur l’intelligence artificielle, sur la régulation des influenceurs, je me dis heureusement qu’avec certains collègues nous sommes élus parce que ça ne passait pas la barre du son. Je pense que c’est ça aussi la richesse intergénérationnelle dans l’hémicycle, chacun son rôle, chacun sa place.

Vous avez 1000 followers sur Instagram, Mbappé 110 millions, Nabilla 9 millions. Les influenceurs ne sont pas les politiques… C’est un problème ?

Déjà, c’est un peu contre nature pour moi d’être sur les réseaux sociaux. J’aime lire et réfléchir, et je n’aime pas polluer ma tête de notifications. J’estime que je suis avant tout parlementaire, j’utilise mon temps de disponibilité mentale pour étudier les textes et ça me va comme ça pour le moment. Je fais des réunions publiques chaque mois, dans ma circonscription, je dialogue, mais je refuse d’entrer dans une forme de politique spectacle, mon rôle en tant que parlementaire n’est pas de faire des vidéos sur TikTok.

Et toujours fière d’appartenir à la grande famille du Mouvement démocrate ?

Oui. Très fière. Fière d’être dans un parti qui a une colonne vertébrale solide.

Êtes-vous ambitieuse ? Vous avez 28 ans, comme Bardella…

Oui je sais. C’est terrible. On n’a pas eu la même école… Déjà, mon ambition, c’est de lui ressembler le moins possible. Je me dis que j’ai une chance incroyable d’avoir été élue aussi jeune, de pouvoir exercer autant de belles responsabilités, mon objectif est de faire honneur à ce mandat. Ce que je sais, c’est que je suis concernée par l’avenir de son pays.


 

Extrait

Devenir député demande une véritable adaptation à une institution vénérable infiniment complexe, intimidante par ces innombrables règles officielles, protocoles et coutumes tacites plus nombreuses encore, dont on perçoit que lentement à quel point son fonctionnement est en fait précieux pour notre vie démocratique.

Louise Morel

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