Je n’ai pas vu ma voisine depuis des semaines, je l’imagine sur l’autoroute des vacances en train d’écouter de vieilles chansons à la radio, de râler aux péages et dans les stations-service ; elle doit pester contre cette société chez qui on vient par hasard finalement malgré sa publicité, je l’entends raconter, à son voisin dans la queue interminable de la caisse, qu’« ils » utilisent des énergies fossiles à 90%, que s’acheter une vertu ça coûte que dalle pour la plus riche compagnie de l’histoire. Je l’imagine reprendre la route des vacances en chantant « Mais je suis seul dans l’univers, j’ai peur du ciel et de l’hiver, j’ai peur des fous et de la guerre, j’ai peur du temps qui passe, dis comment peut-on vivre aujourd’hui dans la fureur et dans le bruit, je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdue… » Si j’étais le copilote de sa vie, j’essayerais de la rassurer, de lui éviter le coup de pompe, je lui achèterais des tonnes de Haribo dans les stations, je lui dirais que tout ça ne peut pas durer, que l’humanité va réagir avant qu’il ne soit trop tard, que j’irais bien m’installer au fond du Sundgau avec elle, même si je sais qu’elle chanterait encore qu’elle « en a marre d’être roulée par des marchands de liberté, et d’écouter se lamenter ma gueule dans la glace, dis est-ce que je dois montrer les dents ? Est-ce que je dois baisser les bras ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdue… » C’est à ce moment-là que je me suis réveillé de ma sieste, j’ai avalé un paquet de crocodiles en regardant le ciel bleu avec les oiseaux qui y dansaient, c’était si beau.