En parallèle de la gestion de votre domaine, vous avez été adjoint pendant 25 ans. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser à la vie communale et de devenir maire aux dernières élections municipales ?
A 22 ans, je me suis dit pourquoi pas, la vie locale m’intéressait et je faisais des études de droit à l’Université de Strasbourg. À cette époque je voulais voir autre chose, mais je me suis vite aperçu que j’étais trop attaché à la vigne et à ma commune, alors je suis rapidement revenu ! J’ai travaillé aux côtés de Raymond Klein, l’ancien maire, pendant ses 37 ans de mandat. Je n’avais jamais envisagé de prendre sa place, mais il a décidé de ne pas se représenter et, comme personne ne prenait la relève, je me suis lancé au dernier moment, il le fallait, autrement Bernardswiller aurait été annexé à l’agglomération la plus proche. On compte 1500 habitants, sans maire, ce n’était pas une option, on n’allait quand même pas être le premier cas en France !
Vous avez donc repris le flambeau tout en continuant à travailler dans le vin, votre emploi du temps doit être digne de celui d’un ministre qui n’écrit pas de livres !
(Rires), disons que je fais bien plus qu’un 35 heures, mais je ne compte plus, quand on a une activité professionnelle agricole à côté, c’est souvent un peu compliqué, mais on se débrouille. Je n’ai pas de regrets, l’équipe est sympa et les échanges avec les représentants de l’ancienne liste sont constructifs. Pour l’emploi du temps, on arrive toujours à trouver des solutions même si on ne prend jamais vraiment de congés, pas plus d’une soirée et exceptionnellement un petit week-end prolongé. Ma femme s’occupe de toute la partie commerciale et nos deux fils ont rejoint la ferme. D’ailleurs, ils ont lancé le vin nature, c’est une petite partie de notre exploitation. Notre production évolue pour atteindre une clientèle plus jeune, c’est comme dans tous les domaines, il nous faut de l’originalité et des innovations autrement dans quelques années on commencera à arracher des vignes. Nous sommes aussi passés au bio en 2014.
Qu’est-ce qu’un « vin nature » ?
C’est un vin issu de raisins de l’agriculture biologique qui est élaboré sans soufre pendant toute la vinification, il n’y a pas de filtration. C’est un retour au savoir-faire d’antan, comme le bio finalement. J’étais dans l’agriculture raisonnée depuis 2000, j’ai choisi de franchir le pas et je ne le regrette pas, même si ça requiert beaucoup d’investissements puisque le bio c’est du préventif, ce n’est pas juste tu ranges les pesticides et ça tourne tout seul. On est toujours obligé de travailler en avance. Si on attend que le jardin soit plein de mauvaises herbes, on n’a plus envie de les arracher, c’est pareil pour le bio, il ne faut pas manquer la fenêtre de tir, autrement on traîne ça toute la saison. Après, il faut un bio de bon sens, qui s’intègre au monde et aux préoccupations d’aujourd’hui. Ce type d’agriculture n’est pas une invention récente, nos anciens le faisaient déjà, on revient à leurs valeurs, on redécouvre, et on se rend compte que c’est peut-être mieux pour tout le monde de raisonner ainsi !
En parlant d’écologie, votre investissement pour la pro-tection de l’environnement est apparu très rapidement dans vos décisions pour Bernardswiller, vous qualifiez-vous d’écolo ?
Je pense que je suis un écolo réaliste, je propose des mesures cohérentes avec nos modes de vie. Parmi les mesures importantes dans ce registre, nous avons enclenché « commune nature », ainsi, nous ne traitons plus nos espaces verts avec des pesticides et on fauche moins régulièrement pour laisser sa place à la biodiversité. Nous sommes aussi la première commune du Pays de Sainte Odile à avoir lancé le ramassage des biodéchets. Depuis octobre 2022 nous avons placé des bornes de collecte, une pour 150 habitants, et ça marche bien ! Les ordures sont ensuite utilisées en méthanisation à Marlenheim et ça donne du biogaz ! Autre dispositif, nous bénéficions depuis peu des services de la brigade verte ! C’est une création du Conseil Général du Haut-Rhin qui a 30 ans et dont nous profitons depuis peu dans le Bas-Rhin. Nous avons décidé de faire appel à eux, car les gendarmes sont moins présents sur notre commune, ils ont de plus en plus de choses à gérer au fil des années, mais par ici les taux de fréquentation explosent en été et nous avons parfois besoin de plus de sécurité ou d’interventions de personnes dépositaires de l’autorité. Les agents ont les mêmes droits qu’un policier municipal, mais ils ont une formation particulière à l’environnement et savent réagir en cas d’incivilités dans la nature, c’était selon notre équipe la solution idéale, orientée davantage vers la prévention et la sensibilisation que la verbalisation. La brigade verte est financée à 60% par la commune et à 40% par la CeA, en soi c’est comme les gardes champêtres de l’époque, comme quoi, on revient vraiment en arrière, de la même manière que pour le bio !
Le chiffre : 9
C’est le nombre d’hectares viticoles du Domaine Motz sur les 200h de vignes du ban communal de Bernardswiller.
Propos recueillis et rédigés par Lucie d’Agosto Dalibot