L’autre jour ma voisine m’a envoyé un message du train de ses vacances, et elle avait visiblement envie de me raconter un truc. Il est presque 22h, le TGV a du retard. Un enfant de 2 ou 3 ans passe du rire aux larmes, il pleure dès qu’il n’a pas l’image qu’il veut sur le téléphone portable de ses parents. Dans son casque la musique est très forte, mais ma voisine entend quand même le môme qui crie le plus fort possible avec une tête de dictateur. Son père sort du wagon. Le petit veut son père. Il revient, il veut son portable. La mère tente de le bercer pour l’endormir. Peine perdue. Il crie plus fort encore. J’ai le choix, a conclu ma voisine dans son texto, devenir sourde en écoutant de la musique à fond ou en enlevant mon casque et me faire perforer les tympans par un enfant de 2 ans. On est foutus, elle a conclu. Après ce message, je me suis souvenu de ce petit garçon du même âge, la veille dans un café. Soit il regardait un écran (avec le son), soit il était très agité, il parlait très fort, tapait sur la table. Pour le calmer, ses parents, très absorbés par leur propre téléphone pendant toute l’heure qu’ils ont passée dans ce bistrot, lui ont donné un écran. Je n’oublie pas l’image triste de ce trio qui ne se parlait pas, les yeux rivés sur leur portable, et je me demande en vrac : avec cette drogue dure dès la petite enfance, comment se forment les cerveaux de ces générations, quelles seront les conséquences ? Comment réagiront les Hommes de demain ? Comment aimeront-ils ? Comment penseront-ils, s’ils ont été élevés par des algorithmes, si le manque de sens a envahi leur vie depuis leur plus tendre enfance, plus si tendre justement. Si les faits sont depuis toujours écrasés par les infox ? Si la mise en scène de l’agressivité ou le silence est la norme dans les échanges ? Si cette dégradation est irréversible ? Et puis j’ai trouvé de l’espoir en lisant un article sur la grosse chute d’audience d’Hanouna chez qui, pour reprendre la phrase de Laure Adler, la macronie défile comme si elle ignorait le danger. Au même moment en France, les radios de service public battent des records. On n’est pas foutus, pas encore, si l’on apprend aux générations futures la réflexion, le débat constructif, l’écoute, l’empathie, la tendresse et l’amour. Pour nous donner une chance de nous regarder tels que nous sommes. Mais cela ne s’apprend pas un écran à la main.