Il faut faire quoi pour avoir un peu de soleil dans ce monde, un confinement ? Lorsque ma voisine m’a posé cette question l’autre jour en cadenassant son vélo au panneau sens interdit devant notre immeuble, j’ai compris qu’elle était dans une humeur d’épouse de marin. J’ai comme un mal de mer permanent, elle a dit avant d’ajouter : je trie mes déchets, je prends le train sauf pour une croisière en Méditerranée, c’était moins pratique, je bosse, je cotise, je contribue, je participe, je réduis ce que je peux, je mange des flocons d’avoine avant chaque repas, je remplace les spaghettis par des konjacs à 9 kcal les 100g, je vis sans gluten, sans additif, sans nitrite, sans voiture, sans mec, sans chemise, sans pantalon, et y’a pas un rayon de soleil sur la plage, que des nuages. La réforme des retraites par exemple. Alors, je suis obligée de dire stop, je n’en peux plus. Le vote pour Macron m’oblige, a enchaîné ma voisine. Pourquoi cet entêtement ? C’est quoi l’idée ? Devenir impopulaire ? Ok, c’est fait, du travail de pro. Mais à qui profite le canot de sauvetage ? Comme d’habitude, à ceux qui ne parlent pas trop, ceux qui ne s’engagent pas vraiment et, dans leur costume de super héros qui détient la solution à tout, attendent de récolter les fruits de mer de leur silence.
Alors pourquoi ? Ajouter deux ans avant la retraite à ceux qui aiment leur job c’est une chose, mais deux ans de plus, pour ceux qui ont trimé toute leur vie attendant chaque jour que leur montre affiche le moment de la libération avant de se taper une heure dans les transports pour rentrer chez eux, ceux qui exercent un job contraignant, disons un peu plus chiant que député, pour eux c’est autre chose, c’est même du vol. Du vol de vie. De quoi donner la nausée. Il n’y avait vraiment pas d’autres solutions ? Ce vote m’oblige a dit le président le soir du 2e tour, mais personne ne lui a demandé à quoi. On aurait dû ! L’autre jour, sur un mur d’une grande ville française a été tagué Mort à la démocratie, c’est triste a dit ma voisine avant de conclure que les Français ne savaient plus quoi en faire de leur république, c’est comme quelqu’un qui, à force de regarder la mer, finirait par penser qu’une vue sur une impasse pleine de poubelles serait plus agréable. Je ne sais pas si la démocratie est en train de se noyer, a conclu ma voisine le poing serré, mais, à force de la traîner dans la boue, de la vandaliser, on finira par la jeter par-dessus bord.