Hafid est un homme discret quand il s’agit de parler de lui. En revanche, lorsqu’ on aborde son travail, une étincelle scintille dans son regard. Il ne lui faut pas plus de cinq minutes d’échange à l’entrée de son entrepôt pour qu’il décide de me faire visiter les coulisses de son atelier. C’est dans un immense hangar, à la sortie du village, que l’artisan crée d’incroyables plaques de verre, jour et nuit, enfin moins maintenant, car il m’explique qu’il sent la retraite se profiler : « Mais pas tout de suite, d’abord j’aimerais trouver quelqu’un à former ».
Apprendre à partir de rien, c’est ce qu’il a fait en 1998. Il devait devenir professeur d’anglais, mais il croise la route de l’ancien patron de la société et il apprend finalement à ses côtés. Beaucoup de casse au début, quelques coupures aussi, puis on obtient quelque chose de plutôt joli et de réussi. À un tel point que, quand son responsable part à la retraite, il lui propose de reprendre l’entreprise. Une vingtaine d’années plus tard, c’est au tour d’Hafid de léguer ses recettes : « Même si c’est un jeune qui n’y connaît rien, ce n’est pas grave, je lui enseignerai ! ».
Une création unique et sur mesure
Retour dans les coulisses, une fois la porte passée, je me retrouve nez à nez avec ce qui ressemble à un four à pizza géant, « c’est là qu’on cuit les plaques de verre, celui-ci fait 2 mètres de large sur 3,60 de long, c’est le plus grand de France ! Quand l’entreprise tournait à plein régime, je pouvais mettre jusqu’à trois plateaux de table dedans », explique Hafid. Mais comment fait-il pour créer toutes ces formes colorées ? « Attendez, je vais vous montrer ! » lance-t-il plein d’entrain.
De ses mains, devenues aussi dures que la matière qu’il travaille, il attrape une plaque de verre comme si ce n’était qu’une feuille de papier et fait glisser de son établi une série de croquis et de bouts de verre. « D’abord on prend le gabarit », clac, clac, quelques gestes rapides et deux vitres parfaitement symétriques sont coupées avec un petit outil très affûté.
« Ensuite il faut les nettoyer, quelles sont vos couleurs préférées ? », sur le vif, rien ne me vient, il ouvre alors une immense armoire remplie de centaines de poudres teintées… Je lui lance trois nuances au hasard, orange, vert et bleu ! Il s’en saisit et avec son tamis, il disperse la farine colorée sur toute la surface.
Le chef Hafid y ajoute ensuite des effets en tirant des traits dans les couleurs et quelques gouttes d’eau, puis il superpose l’autre plaque. La peinture est prise au piège. Le plus gros du travail est terminé, c’est au four de prendre le relais, 30 heures pour que les verres fusionnent et ensuite, Hafid pourra moduler cette création à sa guise, en y ajoutant des éléments pour la transformer en porte de placard, lampe de chevet ou plateau de table. Et vous savez quoi ? Je suis soufflée.
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C’est le nombre de jours passés sur sa pièce la plus impressionnante, un portrait de Michael Jackson réalisé en collaboration avec un artiste calligraphe, 1m90 de diamètre, un lit superposé pour travailler couché et, après le dessin, il fallait encore compter 5 jours pour la cuisson !
Lucie d’Agosto Dalibot