jeudi 25 avril 2024
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Marie-France Bertrand – Passion brute

Elle était chargée des relations publiques de la société Würth depuis onze ans lorsqu’elle a pris la direction du musée Würth en 2008. Deux années de pandémie n’ont pas freiné cette histoire d’amour qui dure depuis quinze ans et qui cette année encore offre une programmation de très grande classe. Un matin de bonne heure à Erstein, Maxi Flash a rencontré Marie-France Bertrand, une Strasbourgeoise qui a longtemps vécu près de Haguenau.

Vous avez fait des études de marketing, comment l’aventure du musée a-t-elle commencé pour vous ?

J’avais effectivement toujours fait du marketing et de la pub, mais j’ai une grande appétence pour l’art. J’ai commencé ma carrière chez Nestlé, puis dans une petite PME à Bischwiller avant d’être engagée chez Würth il y a 25 ans. Lorsque l’idée du musée a germé en 2004, j’ai suivi le projet et j’ai postulé. Les choses se sont faites naturellement.

Pourquoi aviez-vous très envie de diriger ce musée ?

Parce que l’idée était folle, et ça m’a plu. On a la chance d’avoir un grand patron, Monsieur Würth, qui est assez visionnaire. C’est quelqu’un de très rationnel, je savais à quel point il avait les pieds sur terre, je l’avais côtoyé à plusieurs reprises, lorsque je m’occupais des relations publiques. Je vous avoue que lorsqu’il a annoncé qu’il souhaitait créer un lieu d’exposition ici, nous sommes à Erstein dans une zone industrielle, peu de monde y croyait. Mais je savais comment cela fonctionnait en Allemagne. On partait d’une page blanche, et c’est ça qui est génial. Et là, voilà, on est 15 ans plus tard…

Et la flamme est toujours là ?

Oui. Oui, clairement. L’envie est intacte. Chaque exposition est une aventure. À chaque fois, nous avons envie de monter un projet qui plaise au public, un projet de qualité, mais accessible.

Comment faites-vous vos choix ?

Parfois, nous découvrons des choses intéressantes dans les autres musées Würth – il y en a quinze en Europe – on retravaille, on réadapte, parfois, on nous impose des choses, parce que le musée français a une place à part ; Monsieur Würth est très attaché à l’amitié franco-allemande. Nous ne sommes pas là pour nous faire plaisir, mais pour tirer les gens vers le haut.

Comment est né le projet Art brut. Un dialogue singulier avec la Collection Würth ?

C’est particulier. Un jour en 2006 ou 2007, j’ai découvert une œuvre de Michel Nedjar, elle a été le déclencheur alors que je ne connaissais pas grand-chose à l’art brut (voir encadré : L’info en plus). C’était comme une petite musique qui a grandi d’année en année. Nous soumettons tous nos projets à une commission scientifique, il fallait attendre le bon moment. Il a fallu défendre le projet, qui ne comporte qu’une vingtaine d’œuvres de la collection Würth sur les 160 de l’exposition qui viennent de collections privées essentiellement françaises.

J’aime l’art brut, j’ai une oreille particulièrement attentive pour les gens qui ont des parcours de vie difficile, ça, ça me parle. Et c’est ce qui rend cette exposition particulièrement émouvante. Le rapport à l’œuvre est différent. Au-delà de l’aspect artistique, il s’agit de parcours de vies extraordinaires avec des gens qui, au départ, n’ont pas les outils ou les conditions de vie idéale, qui créent sans en avoir conscience. De nos jours, les artistes contemporains d’art brut sont beaucoup plus reconnus. Dans cette exposition, il y a par exemple des œuvres de Judith Scott, une artiste américaine de renommée internationale atteinte de trisomie 21 et sourde, mais aussi du strasbourgeois Hervé Bohnert qui vit en marge du monde de l’art, il est boulanger le matin et artiste l’après-midi.

Le musée Würth n’est pas simplement un musée, il y a aussi une très belle programmation de spectacle ! (Voir L’info en plus)

Nous avons une licence d’entrepreneurs de spectacles, nous travaillons avec des professionnels. Les gens qui viennent n’ont pas toujours mis les pieds au musée et c’est intéressant, cela permet de mélanger les publics. La jauge de notre salle ne fait « que » 220 places, c’est peut-être un inconvénient parce que l’on pourrait parfois attirer plus de monde, mais c’est un avantage pour les gens qui viennent écouter un artiste, car il y a une proximité qui n’existe pas ailleurs, comme lors du Festival piano.

À part votre travail, qu’est-ce qui vous passionne dans la vie ?

J’aime évidemment partager des moments joyeux avec mes amis, et je lis beaucoup, rarement des auteurs français, mais j’ai lu Connemara de Nicolas Matthieu récemment. J’aime les polars et la littérature américaine. Je suis une grande fan de Faulkner que j’ai découvert vers 20 ans.

Comment imaginez-vous l’avenir du musée Würth ?

Je ne sais pas, radieux, j’espère. On continue, en ce moment, on travaille sur des projets de 2026.

De l’Art brut et du Piano au musée Würth

Jusqu’au 21 mai, le musée Würth présente l’exposition gratuite Art brut. Un dialogue singulier avec la Collection Würth. Un chemin peu emprunté, avec plus de 130 œuvres d’art brut, en provenance de collections privées ou issues du fonds Würth, un art au départ collecté dans les institutions psychiatriques, puis découvert chez des autodidactes, souvent en marge de la société. Poussées par une nécessité intérieure puissante, dans un contexte asilaire et précaire, ces pratiques du dessin, de la peinture ou encore de l’assemblage se révèlent être, tels des soins autoprodigués, de véritables actes existentiels de création et des témoignages de vie singuliers. Dans les années 1920, ce qui n’était pas encore l’art brut a intéressé et attiré les surréalistes, puis a été récupéré par l’idéologie nazie pour alimenter la propagande autour de « l’art dégénéré ». Ce n’est qu’en 1945 que l’artiste Jean Dubuffet théorise le concept « d’Art brut ».

La prochaine édition du Festival Piano aura lieu du 11 au 13 novembre. Si, au fil des siècles, un compositeur est parvenu à atteindre l’universalisme, à transgresser les frontières, à se hisser de toutes contingences matérielles, spirituelles, sociales et politiques, c’est bien Jean-Sébastien Bach (1685-1750) auquel le Festival rend hommage.
Notez également le premier spectacle de stand up de Panayotis Pascot (Le Petit Journal et Quotidien) le 16 décembre, Barbara Pravi en mars, Sanseverino en avril, ou Erik Truffaz en mai.

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