Chevaux, poneys, ânes, chèvres, alpagas, moutons, rongeurs, volailles, sur cette arche il y a de la place pour tout le monde ! J’arrive au moment où un groupe de jeunes quitte les enclos. Ce sont des adolescents en situation de handicap psychique qui viennent régulièrement passer du temps au contact des animaux et donner un coup de pouce pour l’entretien des boxs : « Ça leur permet de s’apaiser », explique Hugues.
Ancien président de la SPA de Strasbourg, il rêvait d’un refuge qui puisse recevoir les bestioles qui ne pouvaient pas être accueillies ailleurs, alors il a lancé son association et s’est installé juste à côté de la maison familiale. Depuis, les animaux défilent, la majorité est adoptée par des particuliers, mais les plus abîmés ou ceux auxquels il s’est trop attaché, restent couler des jours paisibles en sa compagnie et celle de la vingtaine de bénévoles qui s’attelle quotidiennement à amener un petit peu de douceur dans un monde de bêtes : « Il y a des abandons, des problèmes de finances, d’allergie, un divorce, une expulsion, le lot de notre société. On est aussi lieu de dépôt pour les gros animaux sur la voie publique et ceux saisis par la justice pour maltraitance »,
explique le responsable pendant que je m’affaire à gratouiller une biquette à la patte plâtrée. « Attention, caresser, c’est adopter », me lance-t-il tout sourire. La chèvre n’a pas encore de nom : « En général quand on en donne un, il a tendance à rester », glisse-t-il. Trop tard, nous l’avons appelée Lucette !
Déposer plutôt qu’abandonner
Si l’engagement des équipes du refuge à l’égard des bêtes est une évidence, la précarité et la détérioration de leur cause le sont tout autant : « Parfois, on a l’impression d’être les poubelles. On nous contacte pour des poneys de 31 ans parce que l’équarrissage est payant. Lorsqu’on dit que c’est aussi le cas chez nous, on nous répond « si je suis obligé de rincer, autant les garder ». Idem pour les poules qui, quand elles ont pondu leur quota d’œufs, sont abandonnées puis remplacées, c’est sans fin ». Notre échange est justement interrompu par une cohue de plumes qui se jette sur les légumes. Le jars n’a pas l’air commode, il me regarde de travers, je lui laisse sa salade et passe à un autre enclos.
Parfois, Hugues doit faire face à des cas désespérés, mais l’euthanasie – un terme particulièrement pénible pour lui – est le dernier des recours malgré les difficultés financières rencontrées.
Un homme arrive déposer un lapin. « Les gens ont parfois honte, mais je préfère qu’ils viennent plutôt que d’abandonner dans la nature ! Nous ne déroulons pas le tapis rouge, mais nous restons corrects », explique Hugues qui n’a plus grande foi en l’humain. Pendant ma visite sur la dizaine d’hectares de terrain, je croise la route d’émeus saisis en Allemagne, de chevaux et ânes boiteux, de Serge le lama sauvé d’un cirque, d’un mouton tartiné de Biafine après avoir pris un coup de soleil et de Mag’ la vache qui n’a aucune envie de se lever pour la photo ! Il est temps de laisser ce petit refuge dans la prairie derrière moi, enfin, jusqu’à la prochaine fois !
Le chiffre : 6 500
C’est le nombre d’animaux passés au refuge depuis son ouverture.
Lucie d’Agosto Dalibot