lundi 28 juillet 2025
AccueilCHRONIQUESLes regards de SimoneAu Pérou - Le berceau de la pomme de terre

Au Pérou – Le berceau de la pomme de terre

Solanum tuberosum, la pomme de terre, désignée là-bas sous le terme inca papa, est née dans les pays andins près du littoral du Pérou actuel. Les Incas l’y cultivaient déjà 200 ans avant notre ère. Ils y faisaient fleurir 2000 variétés, du temps de leur empire, à partir du 13e et jusqu’au 16e siècle où ils furent décimés par les Espagnols. Il reste aujourd’hui 600 sortes de pommes de terre cultivées au Pérou, qui fleurissent en blanc, orange, rouge et violet. De quoi avoir le cœur qui palpite lorsqu’on a été comme moi élevée dans l’amour de la pomme de terre. Sieglinde, Krassawa, Désirée ou Bintje ?

Mes parents se consultaient sitôt la récolte mise en cave pour sélectionner les variétés de la suivante. La pomme de terre mérite tous les efforts : elle est exquise en purée, en potage, en Gebradeldi (pommes sautées), avec munster, harengs ou truffe.

Indienne des Andes. / ©dr

Autour de Lima, la capitale léchée par le Pacifique, pas un champ de pommes de terre à l’horizon. Le lendemain, au marché d’Arequipa, la ville blanche, j’ai cru halluciner en voyant toutes les variétés qui s’offraient à ma vue : noires, rouges, jaunes, violettes, et aussi les déshydratées très aimées au Pérou. Ici, à 3000 mètres d’altitude, des paysannes à la peau « pain brûlé », en chapeaux colorés, aux longues nattes noir jais, habillées de jupons multicolores superposés, m’incitaient à acheter leurs pommes de terre.

En roulant vers la vallée de Colca, gouffre unique, deux fois plus profond que le grand canyon, l’altitude si haute et les cols à passer me coupèrent l’appétit. J’ai surtout bu des tisanes de feuille de coca, remède contre le soroche, le mal d’altitude. La feuille est non hallucinogène tant qu’elle n’a pas subi les manipulations qui la transforment en cocaïne. Elle donne du tonus lorsque le manque d’oxygène vous a rendu groggy.

Machu Picchu, la cité inca du 15e siècle. / ©dr

Me voici dans l‘Altiplano, étendue plate surprenante qui se situe entre 3500 et 5000 mètres au-dessus du niveau des mers, avec en point de mire des volcans aux sommets enneigés nommés Chachani, Misti et aussi Chucura. Ce dernier est à a à 4910 m. Cela signifie « difficile à monter » en quetchua, précise Jorge, le guide. Les pas ici se font avec efforts. Dans ces régions isolées et froides pousse l’herbe des lamas nommée ichu, une plante sèche, riche en silice, qui permet aux camélidés de tailler leurs dents qui pousseraient sinon trop vite. J’ai vu des hordes de lamas et d’alpagas auxquels se mêlent parfois les vigognes. Pas de pommes de terre à ces altitudes ? Non, mais une tubéreuse nommée la maca, connue pour ses effets fortifiants, cultivée depuis le néolithique à 4000 m, dans ces conditions extrêmes.

En descendant vers la ville andine de Chivay, le retour à une altitude moins éprouvante fit revenir mon appétit. J’ai opté pour le plat du jour : un steak d’alpaga servi avec du riz. Le Pérou est aussi grand producteur de riz (et d’asperges, dont il est le 1er exportateur mondial). Je suis ensuite allée au marché de Chivay. Comme à Arequipa, les pommes de terre s’y étalaient en variétés impressionnantes.

Le Titicaca, le plus haut lac d’eau douce du monde (4812 m). / ©dr

Dans la région du Titicaca, le plus haut lac navigable du monde avec ses 3812 m au-dessus du niveau de la mer, la pomme de terre fût cultivée à l’origine dans des terrasses fertilisées avec le guano, (les déjections d’oiseaux marins). Elle prit alors progressivement le nom quetchua de papa. Le Titicaca, lac sacré des Incas, est habité par les Uros, des indiens qui vivent sur 32 îles flottantes, faites par leur soin en roseau. Drôle d’impression que d’être sur des îles qui bougent, amarrées au fond du lac, à 80 m de profondeur par de grosses pierres. Les filles ont les dents si blanches : elles croquent l’intérieur du roseau riche en vitamines. Elles ne mangent donc pas de pommes de terre ? Si. D’ailleurs voici leur maman, assise en tailleur, qui, sur un feu de bois, fait cuire des pommes de terre en robe des champs. Ce n’est pas le moment de les goûter : elles sont encore dures. C’est qu’ici, à cette altitude, l’eau bout à 60° et il faut presque le double de temps pour que la cuisson soit achevée.

Sur la presqu’île de Llachon, je vis chez l’habitant, Valentin, dans une pièce rustique, sans électricité, sans eau chaude. Sa femme me sert des légumes et des pommes de terre cuites en robe des champs puis épluchées, sans crème ni beurre. Elle me préparera le lendemain un échantillonnage de différentes variétés, dont les pommes de terre déshydratées, une invention de l’ère inca, qui se conservent durant des années. Je suis comblée, même si mon palais ne retrouve pas la douceur des purées ou des pommes sautées de mon enfance.

Fleurs de pommes de terre. / ©dr

À Cusco, j’ai dégusté des pommes de terre farcies (papas rellenas) de grande qualité avant de me rendre en train au Machu Picchu, cette ancienne cité inca, érigée dans la Vallée sacrée entre les Andes et la forêt amazonienne. Après Ollantaybamba et les impressionnants vestiges incas, j’ai dégusté à Urubamba des beignets de manioc, des tranches d’épis de maïs blanc et du goulash d’alpaga.

Pour le dernier jour au Pérou, je me suis arrêtée à Lima, au quartier de Miraflorès qui surplombe le Pacifique. J’ai mangé un bar servi avec asperges, anchois, câpres et cœurs de palmier. Et pas une pomme de terre ? Serait-il possible d’y ajouter una papa, por favor ? C’était possible. Il me fallait bien une dernière pomme de terre péruvienne. Histoire d’avoir la frite avant de reprendre l’avion pour l’Alsace.
Heureuses vacances à vous !

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