Karine Tuil dépeint la chute vertigineuse de Dan Lehman, un ancien président de la République désormais rejeté dans l’ombre, après avoir goûté à la gloire et au pouvoir. De l’extase des sommets à la solitude absolue, Dan se débat dans un vide qu’aucun excès ne parvient à combler. L’alcool devient sa dernière fuite, l’ultime moyen d’échapper à l’effritement d’une identité qui n’existe plus sans les projecteurs.
Mais l’autrice ne se contente pas de narrer la déchéance d’un homme. Elle dissèque un système où le pouvoir est une illusion, une drogue qui dévore tout sur son passage. L’image et la reconnaissance sont devenues les seules monnaies d’échange. Dan n’est pas le seul à être pris dans ce tourbillon. Autour de lui, une armée de femmes lutte contre l’oubli et la déshumanisation. Hilda, son épouse actrice, se cramponne à son dernier rôle comme à une bouée de sauvetage. Léonie, sa fille aînée, cherche à redéfinir son destin à travers un féminisme radical. Marianne, son ex-femme, écrivaine à l’esprit acéré, brûle tous les faux-semblants qu’ils ont construits. Au milieu de ce chaos, il y a Anna, la dernière fille de Dan, seule lumière peut-être dans cet univers d’apparences, de faux sourires et de calculs.
Autour de cette famille éclatée, des personnages se débattent eux aussi dans ce théâtre d’illusions : un réalisateur prêt à tout pour exister, une actrice écrasée par les géants de l’industrie, et un chien présidentiel qui n’est plus qu’un vestige d’un passé révolu. Chacun s’accroche à ses illusions comme un naufragé à une planche.
Un texte tranchant et sans faux-semblants qui dévoile, sous une apparente brillance, un monde malade.
Avec une acuité rare, Karine Tuil capte l’essence même d’une époque obsédée par l’image et la notoriété. Elle n’épargne personne, pas même ses personnages, qu’elle met à nu sans jugement. Et dans cette fresque percutante, elle nous pousse à une question vertigineuse : sans le regard des autres, que reste-t-il de nous ?
