Il y avait d’ailleurs comme une odeur de schnaps naissante, avec tous ces fruits tombés et en phase de macération. Pas de traitement, et aussi, malheureusement, pas de récolte. J’ai alors repensé à cette inflation, ces prix qui s’envolent, ces gens qui ont du mal à s’alimenter, et je me suis dit que c’était bien dommage de perdre potentiellement une cinquantaine de tartes aux quetsches (sans doute plus si l’on avait vraiment tout, tout cueilli). Et ensuite, parce que le fil de la pensée à ceci de particulier qu’il se déroule à mesure que l’on marche – un peu comme le fil d’Ariane, j’ai pensé à tous ces Alsaciens qui ont des jardins.
Tarte et confiture
De là ont découlé deux autres observations : pourquoi ne pas planter des mirabelliers, des pommiers ou des cerisiers, plutôt que des bouleaux ou des érables ? Ensuite, ceux qui ont déjà des arbres fruitiers, mais qui n’en font rien, ou, quand ils en ont assez (par exemple un cerisier qui donne énormément), laissent pourrir les fruits sur l’arbre. Donnez à vos voisins ! Donnez à vos collègues de boulot ! Quel plus beau cadeau qu’un panier de fruits de son jardin ?
Une fois, un ami m’avait invité chez sa grand-mère pour filer un coup de main, moyennant un seau de cerises. Un moment convivial, terminé par un apéro, et prolongé par des tartes et des pots de confiture. Pourquoi ne pas avoir cette réflexion désormais ?
Ce n’est pas un ou deux arbres dans un jardin qui viendront bouleverser la biodiversité ambiante, mais ils pourraient bien remettre un petit coup de polish sur les relations humaines. N’oublions pas non plus que cette nature, que nous détruisons méthodiquement depuis plusieurs décennies, nous donne et nous permet de conserver ce qu’il y a de plus essentiel : la vie.
Sébastien Ruffet