Il y avait un moment que je n’avais pas croisé ma voisine, mais elle était pressée de retrouver son plat surgelé sauce piquante. Elle est comme le monde ma voisine, elle ne rigole pas toutes les semaines, on peut même dire qu’elle tire la gueule, on dirait un supporter du Racing le jour où son club est racheté par un fond américain. Voilà, j’aurais pu vous parler de ce jeune homme de 29 ans en jean et basket, le premier réfugié syrien devenu maire d’Ostelsheim dans le Bade-Wurtemberg, un si beau message de tolérance et d’ouverture symbole d’une intégration réussie qui donne le sourire, j’aurais pu vous parler du plat préféré de Madame Schiappa, du JDD à la sauce Bolloré, ou faire des vers sans en avoir l’air, mais depuis le rachat du Racing, dans la bouche, j’ai un petit goût amer. Ça ne passe pas. Si l’on considère que le club appartient à tout le monde et surtout à ses fans, je suis propriétaire terrien d’un rectangle vert du côté du Krimmeri depuis longtemps. Mais c’est terminé ! Comme ceux qui aiment le club depuis plusieurs générations, je n’ai pas débouché le champagne. Quelle mouche a piqué les propriétaires du Racing pour qu’ils se séparent du fruit de leur si précieux travail depuis dix ans ? C’est vrai ça, pourquoi ? Des euros par millions ? Pourquoi pas ! C’est une très bonne raison de se quitter bons amis finalement, et puis c’est à l’image du foot d’aujourd’hui. J’aurais préféré qu’on nous annonce les choses comme ça : on a bien bossé, le Racing est devenu une poule aux œufs d’or, on passe à autre chose, salut les gars, allez Racing, merci, de RIEN ! On nous annonce que l’on va retrouver l’Europe fissa, avec des noms ronflants pour réveiller les ambitions alsaciennes. On me dit dans mon oreillette que le consortium américain BlueCo dirige aussi Chelsea depuis un an, qu’à Londres la mayonnaise milliardaire a tourné, que le ciel n’est pas si bleu, et que, cerise sur le gâteau, il est interdit d’engager deux clubs du même proprio dans la même Coupe… Pas grave, on jouera la Coupe des gogos, on est habitué à l’austérité. J’aurais pu dire tout ça à ma voisine, mais aussi que j’espérais me tromper, qu’après tout, le nom du nouveau boss est Todd Boehly, un nom de bretzel à la tête de 5 milliards de dollars, mais je suis rentré chez moi, j’ai ouvert une bière alsacienne et une boîte de sticks, j’ai commandé un burger (bleue la cuisson) et je me suis demandé à quelle sauce le Racing serait mangé.